La correspondance de Marat

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en hachis par leurs satellites, s’ils m'arrêtent publiquement? La tournure que vous donnez à cette annonce peut n'avoir pas été dictée par malveillance!, elle n’en est cependant, ni moins injuste, ni moins cruelle. « Vous me faites succomber au découragement et demander un passeport

1. J'ai quelque raison de le croire, d'après ce qui m'est arrivé. Surpris de voir Camille, dans un temps de crise alarmante, perdre le temps à donner au public une immense table des malières, au lieu de travailler à sanctifier et aduler Mirabeau, ranimer le courage du peuple; étonné de le voir garder le silence sur les infâmes machinations du Général pour corrompre les vainqueurs de la Bastille, au lieu de m'aider à saper un coup que j'avais ménagé avec art, je me suis permis, dans mon numéro 239, de lui faire quelques petits reproches fraternels sur ce lâche abandon. Vous croyez peut-être que le grand Camille va réparer ses torts? Point du tout, il se livre à son petit ressentiment, et il cloue à la fin d'un de ses numéros (de février 1791) une note dans laquelle il m'accole à Gorsas, barbouilleur soudoyé, dont il vante le courage parce qu'il court les rues; et afin de mieux ravaler mon dévouement à la chose publique, il m'impute à lâcheté la vie souterraine que je mène pour échapper aux assassins soudoyés, et me conserver à la patrie. Camille, je ne vous rappellerai point ces circonstances orageuses où, menacé du cachot par les municipaux, je les obligeai à se réunir en assemblée générale, et, sans crainte des baïonnettes dont ils étaient environnés, j'allai seul et sans mission exercer au milieu d'eux les fonctions d'un censeur public, chasser quelquesuns des plus etirontés coquins qui déshonoraient leur corps, faire procès à tous les autres de la bassesse de leurs arrêtés, de l’atrocité de leurs attentats, et les réduire à l’humiliation de tirer de ma main certificat de vie et mœurs. Je ne vous rappellerai point ces circonstances orageuses où, dans les liens de deux décrets de prise de corps, j'allai seul leur donner l'assaut à la maison de ville, et à la mairie traiter Bailly, au milieu de ses valets et de ses gardes, comme un infâme prévaricateur, lui fixer jusqu'à midi du lendemain le délai dans lequel il aurait à me faire rendre mes presses saisies en mon absence, et le forcer à deyancer ce terme pour se débarrasser de moi. Je ne vous rappellerai point ces circonstances orageuses où, en bulte aux fureurs du Châtelet qui instruisait mon procès, j'entrepris de le renverser lui-même, lui fis donner l'assaut un beau matin par six mille patriotes, et arrachaï Rutluge de ses griffes, malgré l'or du ministre des finances. Je