La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 203

Vous faites suivre l’annonce de ma prétendue apostasie de cette recommandation. « Malgré les faussetés dont la « feuille de Marat est trop souvent remplie, parce que cer« tains correspondants affectaient de lui faire passer dés « notes grossièrement mensongères, pour décrier les « vérités que lui seul publiait, utile même par ses er« reurs. » Pour un papier-nouvelle tel que le vôtre, Camille, sans doute une pareille inculpation serait très grave, mais pour le mien, purement politique, elle se réduit à rien. Que savez-vous si ce que vous prenez pour de fausses nouvelles n’est pas un texte dont j’avais besoin pour parer quelque coup funeste et aller à mon but? Estce à vous, qui n'avez point de vues, de préteudre me ramener à vos petites conceptions? Pour juger les hommes, vous avez toujours besoin de faits positifs, bien clairs, bien précis : il me suffit souvent de leur inaction ou de leur silence dans les grandes occasions. Pour croire à un complot, vous avez besoin de preuves juridiques; il me suffit de la marche générale des affaires, des relations des ennemis de la liberté, des allées et des venues de certains agents du pouvoir. Toujours forcé par les événements à revenir sur vos pas, à rendre justice à la justesse de mes jugements, à nommer ma prévoyance prédiction, n'apprendrez-vous donc jamais à suspendre vos décisions précipitées, lorsque vous n’apercevez pas les preuves de mes allégations ? Le regret de vous être mépris tant de fois, et la crainte de vous méprendre encore, ne vous rendra-telle pas plus réservé? et vous verra-t-on toujours entassant contradictions sur contradictions, chanter la palinodie, et retomber l’instant d’après dans la même faute? Je ne vous rappellerai point ici cette fluctuation éternelle de léloge au blâme, et du blâme à l’éloge, dans laquelle vous avez si longtemps tenu vos lecteurs au sujet de Motier. Je ne vous rappellerai point ces injures et ces louanges entre lesquelles vous avez perpétuellement ballotté vos lecteurs à l'égard de Saint Riquetti. Mais de tant de contradictions que