La correspondance de Marat
212 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
a détaché quelques mouchards, pour vous insinuer que si vous criez : Vive Bailly et Motier ! elle vous accordera votre demande.
Au demeurant, ce n’est point là que j’en veux venir. Je vois avec beaucoup. de peine que vous songez à augmenter le nombre des aveugles: adorateurs d’un homme qui ne s’est servi de ses talents que pour en imposer au public, que pour se faire acheter par les ministres, que pour rendre au roi les droits des citoyens et du peuple, pour trahir la nation.
C’est à ce traître, mes amis, que nous devons tous les mauvais décrets de l’Assemblée nationale; c’est à lui que vous avez l'obligation de n'être comptés pour rien dans l’État, c’est lui qui vous a fait dépouiller de vos droits de citoyens actifs, c’est lui qui a fait décréter la loi martiale pour vous contenir par la terreur, vous et tous les autres infortunés, pour vous massacrer toutes les fois que vous vous rassemblerez à dessein de vous faire rendre justice ou d'empêcher qu’on ne vous opprime.
Plût au ciel que vous rentriez en vous-mèêmes; vous maudiriez sa mémoire, au lieu de lui rendre le moindre honneur. Si la somme que vous destinez n'est pas prise sur votre nécessaire, faites-en un plus digne usage. Honorez-vous aux yeux de la nation entière, en la consacrant à la délivrance d'un certain nombre de pauvres pères de famille détenus prisonniers pour mois de nourrice. Que ce soit des infortunés, que ce soit de vous, mes chers amis, que les riches, les fonctionnaires publics et les représentants du peuple apprennent l'emploi qu'ils auraient dû faire de toutes les sommes qu'ils ont prodiguées à de sottes cérémonies, à des jeux d'enfants.