La correspondance de Marat
216 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
aussi instruit que vous, une simple observation suffit pour en démontrer la fausseté. Il s’agit de la petite monnaie que vous nommez de subsistance, et dont vous prétendez que « l’on peut altérer momentanément le titre parce « qu’elle ne doit être destinée qu'à la circulation dans « l’intérieur de l'État ; d’où vous inférez que plus elle sera «-légère, moins elle sera sujette à être exportée, et plus « elle nous mettra dans ce moment à l'abri de ces spécu« lations meurtrières qui nous affament. » Vous n'avez considéré qu'un côté de la médaille; car dès l'instant où la valeur numérique de cette petite monnaie sera fort audessus de sa valeur intrinsèque, les étrangers feront contre vous mille spéculations désastreuses, ils enlèveront vos marchandises les plus précieuses, et rnême vos espèces d’or et d'argent, en vous apportant en échange votre petite: monnaie de subsistance.
Le moyen proposé pour relever l'État n’aura donc servi qu’à consommer sa ruine. Dans la solution de tout probième sur les monnaies, on se fourvoie toutes les fois que l'on n’embrasse pas, comme données inséparables, les inconvénients de l'exportation et les inconvénients de l'importation. Or, les monnaies étant devenues en même temps vraies marchandises et signes représentatifs de tout effet disponible, il est indispensable que leur valeur numérique et leur valeur intrinsèque soient en rapport constant. C’est pour avoir diminué la valeur intrinsèque de nos louis en conservant leur valeur numérique que Calonne, de honteuse mémoire, a ruiné le commerce de la France avec. l'étranger, et c'est pour avoir conservé à nos écus une valeur intrinsèque au-dessus de leur valeur numérique qu’ils ont presque tous été convertis en lingots pour passer l'étranger.