La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 247

LXXVIII

LETTRE A RENÉ GIRARDIN

(Septembre 1791)

En annonçant, dans le numéro 543 de L’Ami du Peuple {vendredi 2 septembre 1791), le décret de l’Assemblée nationale relatif à la translation de Rousseau au Panthéon, Marat ajoute ce commentaire : « Ce plaisant décret ne peut être exécuté que du consentement de M. Girardin, qui a en sa possession les restes précieux de l’auteur d'Émile, car les pères conscrits ne pousseront pas cette parade jusqu’à violer les propriétés. » Dans le même numéro, Marat publie, sous le titre « Deux mots de l’Ami du Peuple à René Girardin », la lettre suivante :

C’est vous, Girardin, que Rousseau défaillant chargea du soin de recueillir sa dépouille mortelle. En la déposant dans vos mains, il erut la mettre sous la garde sacrée de l'amitié; souffririez-vous aujourd'hui lächement qu’elle fût transportée des paisibles bosquets d’Ermenonville dans l’antre consacré aux plus fameux traîtres à la patrie, aux plus vils corrupteurs des mœurs, aux plus scandaleux écrivains du siècle? Hé quoi! les cendres de lapôtre de la vérité et de la liberté, du vengeur des mœurs, du défenseur de l’humanité, du restaurateur des droits sacrés des nations, reposeront-elles au milieu des cadavres contagieux des apôtres de l’imposture, des apologistes du despotisme, des corrupteurs de la vertu, des spoliateurs du pauvre, des oppresseurs du peuple? Si la voix de l'amitié ne suffisait pas pour vous garantir d’une coupable condescendance, que du moins celle du devoir et de l'honneur vous rende inflexible. Vous connais-