La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 22€

giront sans doute d'apprendre qu'un simple particulier ait eu l’audace de renouveler dans les premiers jours du règne de la liberté la tyrannie des siècles barbares; et les ennemis de la patrie frémiront d'horreur lorsqu'ils. apprendront que les motifs employés par cet homme atroce, pour retenir à l’attache sa malheureuse victime, ont été ses menaces de livrer l’Ami du peuple, son défenseur, à de féroces assassins, si elle ne se soumettait pas en silence à ses ordres.

Loin de moi l'idée de toute vengeance personnelle; mais, après m'être fait anathème pour arracher des. inconnus à l’oppression, aurais-je la honteuse lâcheté de laisser sous un joug de fer une infortunée, digne d'estime, et à laquelle j'ai les plus grandes obligations? Non, jamais on n'aura à me reprocher pareille bassesse. Je sais que l’hypocrite sème partout la calomnie et va de tous côtés répandre ses doléantes impostures. Pour le confondre, j'exhorte Me F... à le traduire devant les magistrats. Eh* de quoi pourra-t-il se plaindre, lorsqu’ôn le met à même de faire valoir ses droits sous les yeux du public?

J'attends, Monsieur, de promptes nouvelles sur l’affranchissement de cette opprimée. S’il était possible qu'après avoir dénoncé ces vexations à la justice, elles restassent imprimées à la honte des juges, je repasserai les mers pour donner à cette affaire la plus grande publicité; elle est digne de figurer dans les causes célèbres, par sa singularité, et elle est faite pour répandre le plus grand scandale, par la multitude d'acteurs qui y ont joué un rôle en se cachant derrière la toile *.

1. Dans le même placard du 10 septembre 1192, Marat raconte en ces termes la fin de cet incident : « Le sieur Maquet, tremblant de voir sa conduite dévoilée au grand jour, écrivit sur-le-champ à cette femme infortunée de venir retirer ses meubles : ce qu'elle fit. Je lui avais conseillé de faire appeler le commissaire de section; si elle l'eût fait, elle n’eût pas perdu six cents livres, car l'honnête homme ne lui compta que la moitié du billet qu'il lui avait fait; mais il eut soin de tirer recu du total. »

49°