La correspondance de Marat
LA CORRESPONDANCE DE MARAT 233
prêts à devenir les victimes de la tyrannié, après avoir été celles .des opérations désastreuses des accapareurs royaux. Non seulement mes espérances ont été trompées, mais vous avez aggravé votre première faute par une lâche condescendance, en approuvant la pétition de quelques satellites soudoyés, pour faire un service honorable à défunt Simoneau; mais, qu'attendre de vous après la pusillanimité avec laquelle vous avez souffert que des mouchards et des coupe-jarrets de l'état-major parisien insultassent, menaçassent même sous vos yeux le procureur syndic de la municipalité, un magistrat en fonction, le brave Danton, qui réclamait, à grands cris, l'exécution d’une loi juste, et qui défendait avec courage la cause de la liberté.
Qu'il vous eût été facile d’en imposer à ces audacieux scélérats, en les rappelant avec énergie à leur devoir s’ils se présentaient en pétitionnaires, et en leur découvrant avec courage votre poitrine s'ils vénaient en assassins assaillir les défenseurs du peuple! Encore, si c'étaient là les seuls reproches qu'aient à vous faire les amis de la patrie. Mais, hélas ! ils en ont de bien plus graves; ils vous reprochent une conduite équivoque, l’admission à votre table de mauvais citoyens, de fonctionnaires publics décriés, d’infidèles représentants de la nation, d’un Lasource, d’un Rœderer, d’un Brissot, avec lesquels vous paraissez intimement lié; liaison dont les causes secrètes vont bientôt éclater au grand jour. Forcé d'opter, comme la Société des amis de la constitution, entre le traître Brissot et l’incorruptible Robespierre, le public va juger définitivement de votre civisme, de votre intégrité, et de vos vues. Vous voilà engagé dans un défilé bien étroit, ou plutôt dans un labyrinthe tortueux. Je ne ferai point le procès à votre cœur; je le crois pur; mais j’accuserai votre caractère indécis, votre défaut d'énergie, votre fausse prévoyance, votre envie de concilier des choses inconciliables, et de ménager tous les. partis. Rappelez-vous le jugement que je portais de vous à votre nomination à la place de maire : le voilà complète-
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