La correspondance de Marat

28 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

ai suspendu l'impression dans le dessein d’en faire hommage à l'Espagne.

J’ai combattu les principes de la philosophie moderne: voilà l’origine de la haine implacable que ses apôtres m'ont vouée. Elle n'est pas de nature sans doute à m’humilier aux yeux des sages; mais vous verrez bientôt que je devais m'attirer leurs persécutions à plus d’un titre. Comme ils ne négligent rien pour étendre leur malheureux empire, ils se multiplient sous toutes les formes. Nos Facultés, nos Académies en sont peuplées, et sans pouvoir les éviter j'ai eu affaire à eux dans toutes mes entreprises. |

Après dix années passées à Londres et à Édimbourg à faire des recherches en tout genre, je revins à Paris. Plusieurs malades d’un rang distingué, abandonnés des médecins, et à qrije venais de rendre la santé, se joignirent à mes amis, et mirent tout en œuvre pour me fixer dans la capitale. Je me laissai aller à leurs instances. [ls m'y avaient promis le bonheur; je n'y ai trouvé qu'outrages, chagrins, tribulations.

Le bruit des cures éclatantes que j'avais faites m’attira une foule prodigieuse de malades; ma porte était continuellement assaillie par les voitures de personnes qui venaient me consulter de toutes parts. Comme j’exerçais mon art en physicien, la connaissance de la nature me donnait de grands avantages: la rapidité du coup d'œil, et la sûreté du tact. Des succès multipliés me firent appeler le médecin des incurables. Parmi une multitude de lettres que j'ai dans dans mes portefeuilles, j'en choisis trois, que je transcris sous les n° 6, 7 et 8. Elles vous donneront une idée de l'opinion que l’on a de mes talents en médecine.

Mes succès avaient fait ombrage aux médecins de la Faculté, qui calculaient avec douleur la grandeur de mes gains. Ils se consolèrent en formant le projet d’en tarir la source. Je prouverais, s’il était besoin, qu’ils ont tenu des assemblées fréquentes pour aviser aux moyens les plus efficaces de me diffamer. Dès lors, la calomnie vola de