La France sous le Consulat

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rie aux temps actuels. Nous sommes trente millions d'hommes réunis par les lumières, la propriété, le commerce. Trois ou quatre cent mille militaires ne sont rien auprès de cette masse. Outre que le général ne commande que par les qualités civiles, dès qu’il n’est plus en fonctions, il rentre dans l’ordre civil. Les soldats eux-mêmes ne sont que les enfants des citoyens. L'armée, c’est la nation... Je n'hésite pas à penser, en fait de prééminence, qu'elle appartient incontestablement au civil. Si l’on distinguait les honneurs en militaires eten civils, on établirait deux ordres tandis qu'il n'y à qu'une nation. Si l’on ne décernait des honneurs qu'aux militaires, cette préférence serait encore pire, car dès lors la nation ne serait plus rien‘. »

Malgré ces raisons et la volonté nettement exprimée de Bonaparte, le Conseil d'État ne se prononça en faveur du projet de loi que par 14 voix contre 10. Le Tribunat ne l’adopta que par 56 voix contre 38 et le Corps législatif ne le vota que par 116 voix contre 110. La Légion d'honneur fut créée par la loi du 29 floréal an X (19 mai 1802).

L'examen de certaines de ses dispositions montre les précautions prises pour ne pas heurter trop brusquement les préjugés défavorables à l'institution. Ainsi le titre IL relatif à la composition de la Légion et non de l’ordre de la Légion d'honneur, terme qui à été soigneusement évité, débute de la façon suivante : « Sont membres de la Légion tous les militaires qui ont reçu des armes d'honneur. Pourront y être nommés : les militaires qui ont rendu des services à l'Etat dans la guerre de la liberté: les citoyens qui, par leur savoir, leurs talents, leurs vertus, ont contribué à établir ou à défendre les principes de la République, ou à faire aimer et respecter la justice ou l'administration publique. » Après l'énumération des conditions nécessaires aux militaires, en temps de guerre ou de paix, pour entrer dans la

1. Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat.