La révolution française à Genève : tableau historique et politique de la conduite de la France envers les Genevois, depuis le mois d'octobre 1792, au mois de juillet 1795

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ble, & où l’on comptait des riches, tels que le Syndic Cayla, qui divifaient leurs revenus en deux portions, dont l’une était toujours envifagée par eux comme le

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foule dé ceux qui font placés au centre: cette foule ignore qu’en tentant d’égalifer les propriétés, elle briferait le grand reffort qui fait mouvoir ce beau mouvement, & qui eft tout à la fois, fi jé püis m’exprimer ainf, fon régulateur & la clef qui le remonte. Cette foule ignore que ceux qui lui propofent une nouvelle répartition des propriétés acquifes, propofent gravement à l’efpèce humaine civilifée de rétrograder volontairement vers ces terhps fauvages, où les hommes étaient en petit nombre parce que leur induftrie n'avait d’autre aiguillon que l'appétit du moment, & où ils ne faifaient rien pour fortir de cet état de misère; parce que leurs travaux y étaient fans récompenle, c’eft.à-dire, que la propriété d’un feul n’avait aucun garant contre l'attaque de plufieurs.

Ce réfultat affreux de toute nouvelle répartition des propriétés ef tellement évident, que ce ferait une grande erreur d'imaginer qu'aucun égalifeur, aucun Jacobin, tant ancien que moderne, ait pu fe le difimuler, ou qu'ils aient jamais fongé à poufler à l’extrême les principes de leur propre doétrine. Ils ne propofent le renverfement des loix que pour en obtenit la fufpenfion paflagère, & ne font déclarer la guerre à ceux dans les mains defquels fe trouvent le pouvoir & les propriétés, que dans Vefpoir de fe glifer à leurs places. Si une fois ils y arrivent, voilà le dernier terme de leur ambition ; ou plutôt, je me trompe, ils en ont une encore, celle de s’y maintenir, en terraffant tour à tour chaque partifan fubalterne, qui s’aviferait de tourner contre eux leurs proptes armes, & de défirer un fecond eflai de la doétrine bouleverfatrice à laquelle ils doivent leur élévation & leurs fortunes : auffi défendent-ils celles-ci avec autant d’effronterie que s’ils en étaient les légitimes poffeffeurs. Sans avoir befoin d’ouvrir ici le livre de l’hiftoire, ce livre n’eft-il pas maintenant déployé fous nos yeux ? L'expérience n’eft-elle pas encore toute vivante? Il y a à peine trois ans que la moitié des propriétés a violemment changé de mains en France, & voilà déjà leurs nouveaux poffeffeurs, qui, du fol ufurpé où ils fe poftent, in-

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