La révolution française à Genève : tableau historique et politique de la conduite de la France envers les Genevois, depuis le mois d'octobre 1792, au mois de juillet 1795

[ 92 1 patrimoine facré du pauvre. Nulle part au monde

lindigence n'était foulagée avec autant d'humanité & avec plus de délicateffé qu’à Genève. On cher

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voquent à grands cris les loix facrées de la propriété & les principes éternels de l’ordre & dela juftice..…. 1 Non, jamais, jamais aucune révolution commencée fur de pareils: principes n’aura d’autre effet que de faire pañler exclufivement les propriétés & le pouvoir en de nouvelles mains, plus violentes, &. d'autant plus difpofées à s’y maintenir par le crime, que le crime feul ayant pu les y conduire, il ne eur refte que le crime pour fuppléer à li légitimité du titre. { Cependant que devient, durant le cours de ce drame, & à {on dernier acte, cette clafle nombreufe dont la crédulité était devenue Pinftrument des fpoliateurs ?. A peine s’apperçoit-elle qu’elle n’a travaillé qu’à changer de maîtres, qu’elle découvre bientôt auf, {pour me fervir de l’admirable expreflion du Tribunal Révolutionnaire Genevois) que ces nouveaux maîtres ont réufi à faire tourner La, Sainte infurreétion du peuple contre les intérêts du peuple même. Ce peuple, non-moïns infortuné que criminel, s’étonne alors de voir que tout, abfolument tout, ait changé autour de lui, excepté fa propre condition, fes privations, & les misères auxquelles fes chefs Tui avaient promis de le fouftraire. Pour comble de châtiment, le ton dur, ironique & arrogant de ces derniers, & le bras de fer avec lequel ils font prêts à défendre chacune de leurs ufarpations, ne leur laïffent pas même le plus léger efpoir de les renverfer comme il renverfa leurs. prédécefleurs légitimes. Défappointé, couvert de crimes, & déchiré de remords, la faim loblige bientôt à retourner : à fes premiers travaux ; mais il ne trouve plus autour de lui, ni au dedans de lui, rien qui le foutienne dans l’indigence, rien qui puifle le dédommager de la perte de fes vertus, ou le confoler des maux qu'il s’eft faits à lui-même & aux autres. Il tombe dans la fupéfadion, il devient lâche & fervile. Un pareil peuple ne mérite plus que la verge d’un defpote ; & ordinairement il ne tarde guères à l’invoquer à fon fecours ou pour fa vengeance. 4 Mon