Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

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aussi des minutes tragiques. C’est de là que partirent les ordres impérieux de trois retraites successives.

Kragoievatz est déjà entrée dans l'histoire. Elle y est entrée avec la modestie des cités trop longtemps ignorées. A première vue, rien ne révèle le grand drame dont le champ des Corbeaux est le témoin muet depuis quatorze mois. Une petite gare sans voyageurs, sans marchandises. Des rues endormies, des jardins fleuris. En fait de soldats, moins qu'ailleurs. A quelqu'un qui aurait à écrire un long livre romantique, je conseillerais un séjour rêveur dans cette bourgade silencieuse. Dans ce cadre de choses tranquilles et familières, j'allais rencontrer une des plus fortes impressions de ma vie. Notre métier de chemineaux de la presse nous fait souvent les témoins de grandes scènes. Je n’en sais point de plus poignantes qu'une audience du maréchal voïvode Poutnik, généralissime des armées serbes, en son quartier général de Kragoievatz.