Le mouvement des idées : sur une histoire de la Révolution

LE MOUVEMENT DES IDÉES #17

titre, puisque nous avons, grâce à M. Jaurès, une histoire socialiste de la Révolution: En vérité, je crois qu'à presque toutes celles qui existent, on pourrait ajouter une épithète aussi précise : les histoires de la Révolution sont bourgeoises, capitalistes, radicales, libérales, anti-cléricales, catholiques, athées, tout ce qu'on voudra, — et si ces caractères plus ou moins nettement accentués inspirent certains doutes sur leur impartialité ou leur justice, ils ne nuisent en aucune facon à leur intérêt. Qu'on juge comme on voudra Louis Blanc, ou Taine, où M. Aulard, on les lira longtemps encore avec passion, et avec fruit.

M. Pierre Kropotkine vient d'ajouter à ces grands ouvrages un livre qui n’en démérite pas. Je l'ai ouvert, pour ma part, avec une bien vive curiosité, et j’ajouterai, avec une respectueuse sympathie : ceux qui ont lu Autour d'une vie comprendront que, si loin qu’on soit des opinions de l’auteur, sa sincérité, son courage, son absolu désintéressement, son dévouement, sa foi d’apôtre imposent un tel sentiment. Et je l’ailu avec un intérêt qui ne s'est pas un instant ralenti. Aussi voudrais-je tenter, dans les pages qui suivent, d'en exposer les principaux points de vue avec une entière liberté d'esprit.

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Si j'ai bien compris M. Kropotkine, sa thèse générale peut se résumer en ces termes : la Révolution française a été faite par la collaboration du peuple et des bourgeois; les bourgeois s’en sont détachés quand ils ont craint qu'elle porte atteinte au fait et au principe de la propriété ; le peuple l'a abandonnée quand elle a eu épuisé sa force impulsive. Son objet, comme il nous en avertit dans son premier chapitre, est

R. H. 1909. — VII, 4. 22