Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I 93

que je vous autorise à détruire ces marchés... Rappelez-vous, Monsieur, tous les principes de la matière. »

M. de Cypierre demande alors l'autorisation de contraindre les laboureurs à porter du blé dans les marchés, de faire des jours de marché exclusivement réservés au peuple et de défendre d'acheter des blés dans les granges ou sur pied.

La lettre qui comble d'indignation M. Doinel, et qui, pour lui, est la preuve irréfutable de l'existence du Pacte de famine, est la suivante, adressée, le 26 septembre 1768, à M. de Cypierre, par Maynon d’'Invau, successeur de Laverdy : « Il s’est répandu dans le peuple et même parmi les personnes plus éclairées, que différentes compagnies, dont quelques-unes protégées méme par le gouvernement, avoient pris part à ce rencherissement extraordinaire par des achats considérables et indiscrètement faits. Ge fait, peu vraisemblable en lui-même, est cependant devenu si général, que j'ai cru devoir vous prier de faire vérifier si, en effet, ces achats indiscrets ont lieu dans votre généralité, en vous assurant que le Roi n'a autorisé aucune compagnie. Sa Majesté vient même de déterminer et de résoudre une compagnie connue sous le nom de Malisset, dont l’objet étoit de conserver et de renouveler, dans les cas de besoin, une quantité assez considérable de bleds qu'elle avoit destiné à approvisionner Paris dans les momens de cherté et de disette. »

Voilà donc cette fameuse « correspondance secrète. » Elle ne contientrien que nous n’ayons déjà dit et dont nous n’ayons expliqué les causes. Nous ne comprenons pas comment M. l’Archiviste du Loiret parvient à y voir les preuves de ce qu'on est convenu d’appeler le Pacte de famine. M. Doinel rend justice à la charité de M. de Cypierre, en reconnaissant qu'ii à nourri les habitants d'Orléans à ses frais pendant la disette ; et, chose stupéfiante, il reproche à Louis XV les secours en riz qu'il envoyait aux indigents. Il aurait dû remarquer que si ce roi avait été un monopoleur, il eût bien meconnu ses intérêts de marchand : en nourrissant ses sujets avec du riz, il faisait par cela même baisser le prix du blé puisqu'il diminuait les besoins. Singulier marchand, qui vole la marchandise pour la donner. Un tel raisonnement fait uniquement honneur à l'imagination de notre érudit. Il y ajoute cette autre preuve convaincante : MM. de Laverdy, de Montigny et d’Invau étaient des menteurs. Il manque à cette preuve un document qui la prouve elle-même. M. l’Archiviste a oublié de nous donner autre chose que son appréciation qui ne vaut pas une pièce d'archives. Chose intée-