Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

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92 LE PACTE DE FAMINE

Il est certain que Paris ne pouvait suffire à son alimentation, e blé ne poussant pas dans les rues. En temps ordinaire, on tirait, des riches plaines de lIsle-de-France, de quoi y pourvoir. Mais lorsque les récoltes avaient été mauvaises dans les environs de Paris, l'on faisait venir des blés des provinces limitrophes qui, ellesmêmes, étaient obligées d'acheter chez les voisins pour combler leur déficit. Il se faisait ainsi, jusqu'à ce que le commerce eût rétabli l'équilibre, un roulement naturel qui passait inapercu quand les récoltes avaient été bonnes dans ces provinces, mais qui devenait très visible dans le cas contraire.

C'est ce qui était arrivé en 1768. Sans parler des blés venus de l'étranger, Paris fut approvisionné par la Picardie, la Brie, etc.: les récoltes ayant été insignifiantes, les habitants de la Brie durent avoir recours à l'Orléanais, qui fit venir des blés du Berry. Mais comme l'approvisionnement de Paris demeurait incomplet, les marchands de la Brie semparèrent des blés du Berry avant la tenue des marchés d'Orléans. Le peuple s’attroupa pour empêcher l'enlèvement des blés, la maréchaussée dispersa la foule au nom de la liberté prônée par les économistes, et les marchands enlevèrent leurs grains #.

La disette s’accentuant chaque jour, les blés n’arrivèrent plus dans les marchés de l'Orléanais et ceux qui, par hasard, y parvenaient, subirent une hausse de 3* 6S par mine. M. de Cypierre écrit, en conséquence, le 4er septembre, à M. de Montigny, que les alarmes des habitants augmentent « lorsqu'ils voient les grains naturellement destinés à leur subsistance traverser la ville pour être conduits dans les greniers pour le compte d’une compagnie parliculière qui, non contente d'arrêter, sur la route, les blés qui arrivent à Orléans les jours de marchés, envoie des commissionnaires dans toutes les fermes et fait harrer les blés, à quelque prix que ce soit. » M. de Montigny répond avec raison, le 4 septembre, que la liberté complète n’existerait pas si l’on empêchait les marchands de grains d'acheter du blé, el le 7, M. de Laverdy lui mande : « Aucun de MM. les Intendans ne m'a encore porté de plaintes aussi vives... Vous ne me parlez que de vous autoriser à annuler tous les harremens de bleds; mais connoissez-vous bien particulièrement ces espèces de marchés qui se diversifient de toutes les manières possibles? Sur une dénonciation aussi vague, vous voulés

1. Lettre de M. de Cypierre, du ler septembre.