Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I 97

Sur ces entrefaites, d'après Le Prévôt, un nommé Rinville, principal commis deRousseau, receveur général des domaines et bois du comte d'Orléans, apporte chez Boutin, Intendant des finances, un paquet à l'adresse de M. de Bailleul, Président du Parlement de Rouen ; il prie les employés de Boutin de faire mettre sur le paquet l'estampille du ministre Laverdy, afin de le faire parvenir en franchise à destination. L'envoi paraissant suspect, on dit à Rinville de revenir et on ouvre le paquet : il contenait une dénonciation contre les ministres et l'administration des moulins de Corbeil ‘. Le marché passé avec Malisset et que nous avons reproduit * y était annoté, commenté et le dénonciateur prétendait que les administrateurs de cette Compagnie, dont nous avons longuement parlé, étaient les monopoleurs qui provoquaient la disette. Renseignements pris, Rinville fut arrêté et enfermé à la Bastille. Il résulta de son interrogatoire que c'était son collègue, contrôleur des domaïnes et bois, à Paris, Le Prévôt, qui lui avait conseillé d'envoyer cette dénonciation, que les annotations “étaient de lui et qu'il n'avait fait en tous points qu’obéir à ses instigations.

De pareilles et de si fausses dénonciations, quand l'esprit populaire était tellement affolé, avaient une gravité exceptionnelle. Il n'est pas un gouvernement qui n'en dût constater le danger et en considérer l’auteur comme criminel.

L'inspecteur de police, Marais, fut chargé d'arrêter Le Prévôt; ce qu'il fit le 17 novembre 1768, à quatre heures du matin. Le Prévôt fut transporté à la Bastille, et M. de Sartine écrivit, le même jour, à M. de Jumilhac, gouverneur du château :

« Je vous prie, Monsieur, de faire veiller de très près lesieur Le Prévôt * qui a êté conduit ce matin à la Bastille en vertu des ordres du Roy, par le sieur Marais. C’est un homme dangereux, et je vous

1. Francois Mellinet, le conventionnel de la Loire-Inférieure, fut un des administrateurs de cette Compagnie pendant plusieurs années. C’est à Corbeil que noquit son fils, Antoine-Francois.

2. Une note des secrétaires de la police prouve qu’on avait dé,à dénoncé à M. Séguier les monopoleurs et que M. Séguier en avait donné connaissance à M. de Sartine. Rapport du Comité des lettres de cachet, Arch. nit., section du secrétariat AD XVIII a.

3. « En conséquence des ordres du Roy, à moi adressés .. je me suis transporté aujourd’huy... dans une chambre occupée par le sieur Le Prévôt…. et je Pai conduit au château de la Bastille. » Lettre de Marais, inspecteur, quartier Montmartre, n° 6. Rapport du Comité des lettres de Cachet... Pièces justificatives, p. 41.

4. Dans les pièces relatives à cette affaire, il est appelé indifférement: Le Prévost, Prévôt, et Prévost; nous rétablirons toujours la véritable orthographe: Le Prévôt.

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