Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I 103

taux qu'on se procure, en diminuant l'abondance, et l’on se rend maître, par ce monopole, de la première des subsistances {. »

Mais revenons aux détails de l'administration de la Société : « Le principal bureau des recettes, appelé le bureau général des bleds du Roy, étoit à l'Hôtel du Pleix. rue de la Jussienne. Tantôt il étoit tenu par Perruchot,tantôt par Ray de Chaumont, sous Goujet qui en étoit le caissier.» L'agent de change Pinet succéda à Goujet. « On ordonnoit à ce caissier de tenir prêts, au mois de novembre, les états de répartition et d'émargement, pour distribuer aux conjurés ligués, ainsi qu'aux associés et croupiers, la part de bénéfice que l'entreprise avoit pu faire dans l'année, sur le monopole des bleds et farines du Roy. » Ces comptes, ces registres, ces papiers immenses des travaux de la ligue, Le Prévôt découvrit, pendant sa détention à ta Bastille, qu'ils étaient déposés « dans le chartrier de cette forteresse?, où étoit autrefois tenu, par Sully, le trésor d'Henri IV ; et que le nommé Duval, père du secrétaire de Sartine, gardoit et avoit gardé ce dépôt jusqu'à sa mort.» Ces papiers furent, en partie, transportés à l'Hôtel de Ville, en 1789, le 14 juillet au soir, en partie volés et achetés par un Russe qui les envoya à Saint-Pétershourg où ils sont encore.

Les quatre principaux intendants des finances employés par Laverdy étaient : « Trudaine de Montigny, Boutin, Langloais et Boullogne ; les comités se tenoient souvent chez chacun d'eux ou chez Laverdy et quelquefois chez Sartine, selon les occurrences, trois fois par semaine. »

Le duc de Choiseul qui connaissait ce pacte, loin de le dénoncer, conspirait aussi : liguë avec sa famille, il ravageait l'Alsace et la Lorraine.

Vers la fin de 1768, les opérations s'étaient agrandies. Des entrepôts avaient été établis dans les îles de Jersey et de Guernesey. Le blé de France y demeurait entassé dans des magasins d’où sa sortie était réglée par un tarif gradué sur les besoins pressants du peuple et l'avidité des monopoleurs. Cette idée mère fut due à un chevalier Forbin qui la proposa à table, chez M d'Estaing, « après avoir mangè une truite qui était arrivée de Genève avec la sauce encore chaude ; » quant à son exécution, « on la doit à l'humanité de

4. Prisonnier d'Etat, p. 133. 9. Au rez-de-chaussée de la Tour, contre l’ancien pont-levis, sur la rue des Tourelles .