Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE Il 105

tragique, par l’horrible supplice de deux de ses membres les plus actifs et les plus impitoyables : Foullon et Bertier, premières victimes de la haine et de la vengeance du peuple affamé. Quelques jours après, Pinet se rendit dans la forêt de Vésinet, où il fut retrouvé le lendemain, la tête fracassée, mais encore vivant: il affirma qu'il avait été assassiné ; l'opinion publique ne s'égara pas et prétendit qu'il s'était fait justice en se brûlant la cervelle.

Avec ces trois hommes mourait le Pacte de famine.

Il nous semble inutile, après ce que nous avons dit dans la première partie de ce travail, d'entreprendre en détail la réfutation de ces imputations calomnieuses et insensées. Il n’est pas un lecteur de bonne foi qui puisse croire qu'après avoir fait voyager des grains à Guernesey et même à Terre-Neuve, il soit possible de gaguer 50 à 75 °/, sur ce trafic. Comment faire voyager de pareilles quantités de blés? Les navires du monde entier ne seraient pas arrivés à effectuer, dans l’espace de six mois, le transport dela dixième partie du blé produit en France pendantune année dedisette ! Nous avons expliqué, avec preuves à l'appui, quel était le véritable but des greniers du roi et-les intentions charitables de ceux qui les avaient créés. Est-il d’ailleurs un historien sérieux qui puisse croire à une conspiration secrète pendant soixante ans, avec l’armée de complices énuméree par Le Prévôt.

Nous avions laissé de côté l'accusation portée contre Pinet d'avoir fourni à de grands personnages des fonds pour de grandes et secrètes opérations. Nous nous en rapportons à Bailly, déclarant à ce sujet qu'il ne veut détailler ni les soupçons, ni les noms des personnes, parce que « ces imputations sans preuves tiennent de trop près à la calomnie {. »

Le Prévôt ne s'était pas borné à envoyer ses’ dénonciations au Parlement de Rouen; il s'était servi de l'intermédiaire du Prince de Conti et du Duc de Nivernois pour faire parvenir des écrits à Madame Adélaïde et au Roi?. De plus, il ajoutait à ses dénonciations le conseil « de faire enlever à leur domicile tous les membres de la ligue affamaloire! » Il indiquait les noms et demeures des avocats

1. Mémoires de Bailly, I, 131.

2. Lettre de Duval à Sartine, 26 décembre 1768. — Rapp. de la Commission des lettres de cachet. — Prisonnier d'Etat, p. 178. Nous avons vu précédemment que Le Prévôt prétendait ne s'être adressé ni aux ministres ni au roi, qui trempaient dans cette machination.