Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

116 LE PACTE DE FAMINE

no 13. Cette prison « est un paradis pour lui, en comparaison des quatre premières. » En le conduisant, Surbois lui promet que dans « six mois on lui donnera liberté entière, s'il cesse d'écrire contre le gouvernement. » Ilen prend l'engagement. Pendant huit mois, il n’écrit rien, et cependant de Crosne, «/e démon crosnien, » qui avait succédé au démon nègritien, ne tint pas sa promesse. Dans cette maison, il reçut la visite d'une de ses nièces et de son mari.

Enfin, arrive le jour de la régénération de la France : celui de sa délivrance va sonner. De sa fenêtre, il voit, avec une lunette d’'approche, le peuple foudroyer la Bastille. Il s'attendait, chaque jour, à voir s'ouvrir la porte de son cinquième enfer. Cependant on avait pris Le royal château depuis deux mois et la nation ne paraissait pas songer à briser ses fers. Se substituant à la justice du peuple, il entre une nuit dans la cuisine qui donne sur la rue de Bercy, il casse un carreau, appelle « un beau jeune homme » qui passait, il le prie de lui procurer sa délivrance, en jetant à la poste une lettre adressée au ministre. Le cheau jeune homme» décachette l'épitre et, pris de scrupule, la remet à un certain M. Sabart, praticien, qui en fait cinq copies qu'il distribue à cinq personnes ; il dépose l'original chez Boucheron, commandant du district de Saint-Gervais. Celui-ci lit la lettre à l'Hôtel-de-ville et requiert main-forte pour aller le délivrer ; on lui en avait donné l’autorisation, lorsque le procureur du Roi vint s’y opposer. Bailly avait écrit à Le Prévôt qu'incessamment on nommerait des commissaires pour aller visiter toutes les maisons de force et que justice serait rendue à chacun.

Le 2 septembre, voyant qu'on ne venait pas encore le délivrer, il casse un second carreau, confie une nouvelle lettre à un nouveau passant qui, plus fidèle que le premier, la fait parvenir à destination. Trois jours après, la Révolution met Le Prévôt en liberté; il court aussitôt se réfugier à Saint-Mandé, pour attendre la fin des troubles. C'est dans cette retraite que Sabart, Pocheveux, Gauthier et Béatrix vinrent le chercher pour promener une victime du despotisme de l'Ancien Régime.

Voilà quels sont les récits auxquels des historiens ont cru devoir ajouter foi. Il ne nous semble pas, il est vrai, qu'aucun de ceux qui étaient sincères se soit donné la peine de lire en entier les diverses élucubrations de Le Prévôt de Beaumont; cependant tous ces récits ont été défigurés, atténuës, dramatisés de telle sorte, que les parties absolument folles ou grotesques, en passant par ce