Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III 115

de la chambre des vacations viennent inspecter l'hospice, dès qu'il les entend entrer, il fait du bruit pour attirer leur attention et leur crie de venir voir «un homme d'État lyrannisé. » Omer Fleury et ses acolytes entrent; il leur fait ses éternelles révélations et leur remet ses mémoires instructifs qu’il avait écrits sur du papier que ses confrères lui avoient fait passer en secret. Son travail avoit, de plus, pour but, non seulement « de délivrer lous les prisonniers de Charenton, » mais encore de faire interdire pour jamais l'infernale prison.

Le 19 octobre 1784, huit hommes s'emparent de lui et le fouillent ; Surbois et ses satellites le transportent en voiture à Bicêtre. Dans cette prison qu'il appelle « wne République » avec une intention évidemment malveillante, il y a, d’après lui, habituellement de 6 à 7,000 âmes, sans cesse oppriméesde toutes les manières imaginables : «ilun’est point de crimes et d'horreurs, d'abus et de rapines, de scélératesse et d'assassinats, de morts violentes et de maladies provoquées, de pestes et de famines plus fréquentes et en plus grand nombre que dans cette République. » Là, en dehors de ses vêtements, qui sont ceux que la maison donne aux pauvres, on réduit sa nourriture à 200 de pension par an. Malgré l’ordre de la police qui avait ordonné de l'isoler, il est enfermé dans une galerie avec des demi-vauriens. On lui donne deux de ses robes de chambre, des chemises et des mouchoirs que Saint-Huruge, par un scrupule incompréhensible, avait laissés dans sa malle, mais on lui enlève ses fournitures de bureau, « achetées sur ses épargnes. » I1 écrit six grandes épîtres au Roi sur du vieux linge blanc, avec du jus de réglisse noir ; la police les lui dérobe encore. Placé seul dans un cabanon, il entreprend de le démolir; dénoncé par son voisin, on met une garde près de lui nuit et jour.

C'est dans cette prison, au mois de juin 1786, qu'il reçoit la visite « d'une dame de province, qu'il avait connue fille dans sa jeunesse, domiciliée depuis à Paris, » mais elle était accompagnée « du vicaire de Bicêtre, en qualité d’espion. » C'est elle qui lui apprit que sa mère était morte, depuis quelques années, du chagrin de le savoir en prisOn ; que sa famille ne cessait, depuis dix ans, de présenter des requêtes à la police et au ministère, pour obtenir son élargissement. A partir de cette visite, il reçut, dit-il, de fréquents secours de ses parents et ne manqua plus de rien.

Le 19 septembre 1787, il est transférée dans la maison de force du sieur de Piquenot, rue de Bercy, au delà de la barrière des Poules,