Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

122 LE PACTE DE FAMINE

emparée de ce mobilier, ainsi que de 12,000 #t äe valeur qu'il avait en portefeuille. A nos yeux, ici comme dans le récit de ses prétendues souffrances, il eæploïtait ses hallucinations.

Nous n'avons trouvé aucune trace des œuvres littéraires qu'il dit avoir publiées avant son incarcération, ni de son inscription parmi les membres de diverses Académies provinciales. Nous croyons jusqu’à preuve contraire que cela, évalement, n’a existé que dans son cerveau malade.

Quel était l’état particulier, la maladie spéciale de ce cerveau ? quelle était exactement la situation du personnage ? Demandons-le, de bonne foi, aux faits certains, aux indications qui résultent logiquement de ses actes.

Vivant à Paris d'une place modeste, employé dans les bureaux du clergé, dans ceux des domaines et bois ou dans ceux de l’inspection des vins, peu importe, Le Prévôt occupait ses loisirs, un peu plus que ses loisirs peut-être, à composer des œuvres littéraires qui ne furent pas goûtées par les éditeurs brevetés ou clandestins. N'ayant pu donner à sa manie d'écrire la satisfaction de voir sa prose ou ses vers imprimés, son caractère put aisément devenir chagrin, misanthrope. Nous ne saurions, d’ailleurs, trop en vouloir aux libraires du mépris qu'ils montrèrent pour ses œuvres poétiques si les vers qu'il confectionnait avant son incarcération ressemblaient à ceux qu'il composa depuis. La même, cette incohérence de l'imagination absolument dérêglée, se montre par des échappées saisissantes. Ainsi, pensant que tyrans était synonyme de rois, il n’hésite pas à faire rimer tyrans avec mois :

En proie à l’affreux despotisme,

Je sus, pendant vingt-deux ans et deux #n0ùs Surmonter, par mon héroïsme, L'odieux pouvoir des {yrans.

Mon zèle pour sauver la France

De leurs trafics usuriers

Ne vaut-il pas cette vaillance

Qui fit admirer les guerriers ?

Ravi nuitamment par Sartine,

Je fus jeté dans cinq prisons,

Pour taire un pacte de famine

Que je trouvai dans deux maisons. Votre abominable avarice

Causa nos pleurs dans tous les tems, Ministres faux, gens de police,

Sans vous j'eus vu de beaux printems.