Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV 125

Le mal dont il fut atteint paraît avoir été cette monomanie, frèquente chez les gens qu’une imagination excessive ef sans cesse entrelenue dans ses excès, pousse peu à peu à une exaltation contenue d’abord et bientôt expansive. Chez lui, l'instruction avait été une cause de dépravation plutôt qu'une source de lumière et un moyen de développement de son intelligence. Esprit médiocre, ses infortunes littéraires, ses rêves d’ambition déçus en avaient fait un impuissant et un méchant, avant d'en faire un fou. Il est le type, affolé, mais maintenu par une société virile, de ces déclasses que nous voyons aujourd'hui chercher à dominer notre société affaiblie ; et cela explique encore la sympathie violente qu’il a inspirée depuis cent ans. Nous connaissons cette légion de ratés qui opprime notre siècle, accumulant sans discernement une foule de connaissances superficielles, les dévorant à une dose trop forte pour la solidité de leur tête. Echafaudant leur ambition sur l'idée prétentieuse qu'ils se font de leur valeur : inférieurs à tous les postes qu'ils occupent et se croyant appelés aux plus hautes destinées ; continuellement tenus en éveil par un sentiment violent, soit vanité excessive, soit envie déréglée, soit haine féroce, qui parfois se mélangent en un tout monstrueux, ils en viennent ou à faire une Terreur. comme nous l'avons vu au siècle dernier, ou à gouverner tranquillement une nation, comme nous le voyons aujourd'hui, sans lui donner autre chose qu’une vie artificielle. S'ils sont entravés par les faits, le travail concentre son intensité à l'intérieur el les amène bientôt à confondre les phénomènes provenant de leur cerveau surexcité avecles phénomènes réels. Ils croient sentir, ils sentent même ce que leur cervelle a conçu. Le souvenir d’une suppôsition déjà faite, d'une pensée qui a traversé leur cerveau, devient une réalité.

A l'époque de son incarcération, il est évident que Le Prévôt approchait de cette période extrême. L’avait-il dépassée? cela est incertain‘. Mais — et nous l'avons déjà indiqué — Le Prevôt, soit méchanceté, soit exagération, soit folie, avait dès lors commis des délits graves, il était à la veille d'en commettre de plus graves encore, et la police avait le droit de l'empêcher de troubler sérieusement l'Etat.

De quel fait particulier s'est inspirée cette imagination pour en nourrir son exaltation et la pousser jusqu'à la monomanie ?

4. Telle paraît être l'opinion de Malesherbes. Voy, plus loin.