Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE V 137

plusieurs mois, de 1768 à 1773 *. Nous les reproduisonsintégralement dans les pièces justificatives. — Nous voyons que, contrairement à ses allégations, rien n'était épargné pour le vêtir commodément et chaudement : chaussons de toile, chaussons de laine, bas pluchés, jarretières de Sedan, souliers, pantoufles, camisoles de flanelle d'Angleterre, chemises de toile, mouchoirs, culottes de panne noire, vestes, robes de chambre en calemande doublée de somnifère, robbe de chambre en espagnolette doublée de flanelle, gants de castor, gants fourrés, bonnet de laine, calottes de castor, coeffes de nuit avec serre-tête de ruban, savonnette,eponge à barbe, tabatière, etc.

Il est difficile d'admettre qu'un prisonnier qu'on habillait avec tant de soins ait été condamné à coucher sur du fumier, comme il le prétend. Il est certain que, pendant le temps où il restait barricadé dans sa chambre, ses ordures devaient s'accumuler et qu'il devait être lui-même complètement souillé. S'il ne faisait pas sa barbe, c’est qu'il ne le voulait pas, car il avait les ustensiles nécessaires. Cependant, il est possible que lorsqu'on prévoyait le retour de ses accès de démence, on lui ait retiré ses rasoirs pour l’empêcher de s’en servir contre ses gardiens ou contre lui-même.

On ne peuts'empêcher de comparer le sort de ce misérable, pendant l'Ancien Régime, au sort qui lui aurait été réservé s'il avait été suspecté d'aristocratie pendant les quelques années qui suivirent sa mise en liberté.

Si Le Prévôt avait dénonce les favoris de la Révolution, il eut été envoyé au Tribunal révolutionnaire et à l’échafaud. Aujourd’hui, on entrerait, malgré lui, dans sa cellule, et on lui mettrait la camisole de force. Sous l'Ancien Régime, on n’osa se livrer sur sa personne à aucune voie de fait, et cependant, sa conduite était vraiment exaspérante, de nature à lasser d’autres gens mêmes que des geôliers.

De nos jours il ne serait peut-être pas aussi bien traité sous bien des rapports. En avril 1883, la Gazette des Tribunauæ publiait un entrefilet qui prouve que toutes les mesures barbares et ridicules n’ont pas été abolies : « Il existe encore au Dépôt de la préfecture de police une pratique barbare, qui n’est plus de notre époque. Lorsqu'une personne est amenée au Dépôt, on la soumet à une odieuse visite corporelle. Parmi les individus arrêtés, il se trouve toujours un certain nombre d’innocents, qui sont promptement mis

1. Bibl. Arsenal.