Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI 141

désespoir et à la démence. — Nous parlàâmes de lui donner des feuilles de papier en compte, en sorte qu’il pût vous répondre de ce qu'il a écrit. Voyés si vous voudrez prendre cette précaution avec Le Prévôt, puisqu'on le regarde comme écrivain si dangereux; mais sil manque à son engagement et qu'il se trouve quelques feuilles de manque, que lui ferés-vous? Je ne crois pas qu'il fallût pour cela lui refuser à l'avenir l'écriture : il est inutile de lui présenter une règle qu'on ne lui fera pas exécuter ‘. »

À la fin de sa lettre, Malesherbes dit qu'il a ordonné à Lassaigne, le médecin du château, de lui rendre compte de l’état de tous les prisonniers.

De 1774 à 1784, nous trouvons peu de renseignements sur Le Prévôt. Le 28 août 1779, il écrivait une nouvelle dénonciation au bas de laquelle la police mettait en note : « Lettre injurieuse et calomniatrice du sieur Le Prévôt ; à montrer au ministre ?. » Aucune trace aux archives des scènes qu'il raconte lorsqu'on le transféra à Charenton. Mais ce qu'aucun de ses biographes n’a remarqué, c’est que s’il quitta Vincennes, ce fut à la suite de la désaffectation du donjon comme prison d'Etat. Tous les prisonniers furent transféres soit à la Bastille, soit dans d’autres maisons. Le Prévôt le quitta, comme les autres détenus, le 15 mai 1784, et non le 15 mars,

comme il le prétend *.

1. Arch. nat. O4 417. (Ordres du Roi.) La dernière partie de cette lettre nous a été signalée par M. A. Bégis, chercheur aussi obligeant que consciencieux, et le plus riche collectionneur de France en documents sur la Bastille. — Voy. cette lettre inextenso aux pièces justificatives. 2me partie IV. 1

2. Rap. Com. Lettres de cachet.

3. La Révolution ayant augmenté dans des proportions effrayantes le nombre des malfaiteurs, les prisons de Paris devinrent rapidement insuffisantes. La municipalité dut nommer, pour décharger le Châtelet, trois commissaires qui se transportèrent au donjon de Vincennes afin d'examiner si cette ancienne prison d'Etat ne pourrait être utilisée comme maison de détention. Nous extrayons du rapport de l’architecte Jullien, l’un des trois commissaires (15 novembre 1790), les passages suivants : « C’est donc avec une satisfaction bien vive que nous annoncons à la municipalité que le Doujon de Vincennes, visité par ses ordres, réunit les doubles données de salubrité et de sûreté que l'humanité et la loi commandent. C’est un édifice ouvert de tous côtés aux influences bienfaisantes d’un air pur et salubre..: Nous estimons qu'avec peu de dépenses on pourroit y loger deux cent cinquante ou trois cents prisonniers.. Ce lieu d’arrrêt a même moins le caractère d’un dépôt de malfaiteurs que d’une maison pour des malades convalescens ; et qui sait, Messieurs, si plus d’une de ces malheureuses victimes. respirant un air plus pur, livrée à la douce mélancolie qu’inspire là vue de la campagne... ne retrouvera pas ce calme heureux... » Gette proposition fut approuvée par la municipalité. Bailly fut chargé d’en faire la