Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

1440 LE PACTE DE FAMINE

écrit à M. de Rougemont « qu'il ne faut refuser à aucun (détenu) de quoi lire et écrire. Le prétendu abus qu'ils en peuvent faire, ajoute-t-il, ne peut être dangereux, étant enfermés aussi étroitement qu'ils le sont, et cette privation de toute occupation dans la solitude est évidemment ce qui a fait tourner la tête au plus grand nombre. Il ne faut point se refuser non plus aux désirs de ceux qui voudraient se livrer à d'autres genres d’occupations, pourvu qu'elles n'exigent pas qu'on laisse entre leurs mains des instrumens dont ils pourroient se servir pour s'évader. — S'il y en a quelqu'un qui veuille écrire à sa famille et à ses amis, 47 faut le permettre, en lisant leurs lettres; bien entendu que, d’après cette lecture, vous pouvés et devés suspendre l'envoy de ces lettres, quand les circonstances l'exigent.— 77 faut leur permettre de recevoir des réponses, et les leur faire parvenir après les avoir lues ; sur tout cela, c’est à votre prudence et à votre humanité qu'il faut s’en rapporter. — Je sais qu'il y a des CAS Où, pour des AFFAIRES D'ÉTAT, il faut tenir des PRISONNIERS AU SECRET ; 724{S, quant à présent, AUCUN DE CEUX QUE J'AI VUS A VINCENNES N’EST DANS CE CAS. »

Malesherbes prend ensuite les détenus un à un et fait à M. de Rougemont des recommandations particulières sur chacun d'eux. Voici ce qu'il dit de notre prisonnier : « Je m'imformerai aussi de Le Prévôt, et j'attends pour cela le retour de quelqu'un qui n'est pas à Paris. — ZLa tête de ce prisonnier n'est pas bien saine ; je ne sais cependant s’il est tout à fait ce qu'on appelle fol, s’il est d'un degré de folie pour lequel on l’eût enfermé, s’il ne s’étoit pas porté à dire du mal du ministère. — On craint chés vous les efforts continuels qu'il fait pour se sauver; à cet égard, on ne saurait trop prendre de précautions. — On craint aussi qu’il n’écrive sur le gouvernement et quil ne jette par les fenêtres des écrits qui seroient ramassés. Cette prétendue crainte n'est pas suffisante pour priver un homme, assés malheureux pour être enfermé depuis plusieurs années, de la faible consolation d'écrire toutes les folies qui lui passent par la téte. — Je ne crois pas qu'il soit impossible de l’empêcher de jeter ses ouvrages par la fenêtre. Il serait encore plus aisé de charger quelqu'un de les ramasser et de vous les rapporter, et c’est une petite précaution qu'il faudra prendre pour tous les prisonniers, quand tous auront la liberté d'écrire. Rien n’est plus aisé, puisque très peu de prisonniers peuvent aller au pied du Donjon; et la crainte de ces misérables écritures ne vaut pas, en vérité, la peine de réduire des malheureux, par leur désœuvrement forcé, au