Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE IX 71

cours. Les causes de cette faveur sont publiquement énumérées dans le préambule : « Depuis 20 ans, ils font avec autant d'honneur que d'intelligence le commerce le plus étendu. Notre marine leur est redevable de plusieurs établissements essentiels et beaucoup moins onéreux pour nos finances que par le passé. C’est par leurs soins qu'en 1769, les eaux-de-vie (liqueur d'absolue nécessité pour une très grande partie de nos sujets) étant montées à un. prix excessif, sont redevenues à leur taux ordinaire, et l’abondance a été rétablie. — En 1774, les blés ayant été également portés à des prix si excessifs que le pauvre ne pouvait pas y atteindre, ils en firent arriver par les ports de Normandie une quantité si considérable que cette denrée éprouva la plus grande diminution #. Notre bonne ville de Paris se ressentit bientôt de cette diminution et c’est par leur fermeté et leur activité que le prix des blés n’a pas tardé à se remettre à son taux ordinaire ?.. »

Cette organisation produisit les plus heureux résultats; il suffit de consulter les Mercuriales del'éëpoque pourse convaincre que depuis 1775 jusqu’en 1787 le prix du pain s’est maintenu à Paris sans augmentation notable3; et cependant, en décembre 1776, à la suite dela guerre des farines, « la saison de l'hiver, la difficulté des chemins et de la navigation menacaient Paris de la situation la plus affreuse, » lorsque les moulins de Corbeil envoyèrent en 3 jours 6,000 sacs de farine à la halle. — Pendant l'hiver de 1784, les rivières étaient couvertes de glaces, le travail des moulins était suspendu, les routes obstruëes par les neiges. A la première apparence de disette

1. En 1774, Turgot, avec de pressantes sollicitations, charge les frères Leleu de faire venir des blés de l'étranger pour faire tomber le prix du pain. Ils en firent venir par Rouen et dès qu’il en arriva à Paris le prix du septier tomba de 4 tt. Les propriétaires qui tenaient leurs blés enfermés, effrayés de cette baisse, s’empressérent de lapporter à la halle et l'abondance reparut. Le prix du blé descendit trop et les frères Leleu durent vendre avec perte les grains qu’ils avaient fait venir.

2. Observations des sieurs Eloy-Louis et Dominique-César Leleu frères, négocians, sur un écrit intitulé : « Second mémoire pour les maîtres boulangers, lu au bureau des subsistances de l'Assemblée nationale. » Paris, Demonville, 1789.

3. Pièces justificatives, vr, p. 21. « Ilest résulté de l'effet de cette loi (du 5 février 1776 abrogeant les anciens règlements sur les subsistances de la capitale), ainsi que des dispositions générales de celle du 2 novembre 1774, que depuis 1776 jusqu’en 1788, c'est-à-dire dans l’espace d'environ douze ans, le prix des grains n’a presque pas varié, quoique l’exportation chez l’étranger en ait été permise plusieurs fois dans cet intervalle, et qu’il s’est toujours maintenu à un prix commun de 22 # le septier de 240 livres, poils de mare, tandis qu'aujourd'hui ce prix commun monte à plus de 37# quoique l'exportation chez l'étranger soit pronibée depuis longtemps. » (Lettre de Roland à la municipalité de Paris, du 18 novembre 1792.)