Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE X 79

Malgré les comités des subsistances, malgré les commissaires envoyès par l’Assemblée pour assurer la libre circulation des grains, le 4 août, le comte d’Antraigues, au nom du comité des rapports signale des faits regrettables : les blés achetés au Havre pour l'approvisionnement de Paris et embarqués sur la Seine sont arrêtés par la milice de Louviers et confisqués par la municipalité. Le commandant de la milice d'Elbeuf, qui se trouvait sur un des bateaux, est mis en prison par les autorités qui ne voient d'autre moyen de l’arracher à la mort. Des scènes de ce genre se renouvellent partout ; partout on rend les blés stationnaires. La désorganisation est complète.

Les accapareurs dispersés, les subsistances ne furent donc pas plus abondantes, les séditions moins nombreuses. Ce ne sont plus les meuniers, ce sont les boulangers que le peuple accuse de ne pas cuire tout le pain qu'ils auraient pu fournir. Les électeurs renouvelant les précautions de l’ancienne administration, ordonnent une visite chez eux; « leur véritable intention est de reconnaître aussi la quantité de farine qu'ils avaient en réserve. » Les convois étaient arrêtés et pillés comme par le passé et ceux qui s’occupaient des subsistances « étaient exposès aux plus grands dangers. »

Nous voyons les greniers du Roi survivre quand même à la désorganisation générale et rendre de réels services ; Bailly emploie les lumières et l'activité des anciens agents de la compagnie des approvisionnements.

Après une courte retraite provoquée par la crainte d’être poursuivi et de subir le même sort que l’intendant de Paris, « M. Doumerc #, qui nous était si utile au Comité des subsistances, écrit Bailly dans ses Mémoires, à la date du 23 juillet, effrayé des menaces personnelles qu'on lui faisait et des exécutions de la veille, me déclara qu'il ne viendrait plus à la ville. M. de Montaran, revenu de Rouen, me dit la même chose. Les Leleu de Corbeil avaient été obligés de s'enfuir ; tous les préposés aux achats et aux magasins du gouvernement étaient dans le même cas, et nous nous trouvions abandonnés à notre inexpérience, sans conseils et sans moyens. Je pris le parti de tenir des comités particuliers chez moi, à Chaillot, avec

1. C’est par erreur que Bailly, dans ses Mémoires, l'appelle Domnery, 11, 319, et de Doumere, Ill, 40, Dans ses errata, à la fin du troisième volume, Bailly nous indique, du reste, qu’il faut lire Doumer et non Doumery ou Doumere,