Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

80 LE PACTE DE FAMINE

MM. de Montaran, Doumerc et deux membres des subsistances qui y venaient ordinairement diner : encore avais-je de l'inquiétude que leurs visites à Chaillot ne me rendissent suspect 1. »

Quant à M. de Montaran et aux frères Leleu, quant à leur entrepreneur de transports, Leger, ils continuërent à être employés, pendant plus d’une année après la prise de la Bastille, à l’approvisionnement de Paris. La municipalité envoya même Leger faire des approvisionnements dans le Soissonnais, et Bailly n’eut qu'à se louer de ses services.

Donc, malgré les dénonciations réitérées du chevalier Rutledge, de Marat et de Camille Desmoulins ; malgré le mémoire présenté, le 19 février 1789, par les boulangers de Paris, au lieutenant de police, malgré toutes ces accusations, la plupart des employés des bleds du roi furent maintenus à leur poste par Necker et par le Comite des subsistances de la commune.

Nous voyons, à la date du 19 août, que la municipalité de Paris envoie toujours moudre les grains à Corbeil, et qu’elle continue à entourer d’un certain mystère ses opérations. Bailly trouvait « que l'espèce de publicité que l’Assemblée avait mise à l'administration des subsistances » produisait un bien mauvais effet ; le 26 août, voyant « approcher la fin des blés achetés par lé gouvernement, » il pensa que dans les circonstances « il fallait une masse de subsistances en réserve, pour prévenir toute cause ou tout prétexte d'insurrection et que cette masse ne pouvait être acquise que chez

1. Mémoires de Bailly, I, 319. —Nous lisons à la date du 7 août (III, 40) : « J’avais aujourd’hui un petit comité de subsistances à Chaillot, composé de deux membres de ce comité, MM. de Montaran et de Doumerc.» Nous possédons dans nos archives une volumineuse correspondance de M. de Montaran avec un marchand de grains nommé Ruellan (29 août 1789-5 mai 1790) ; elle est toute relative aux approvisionnements de Paris.

Nous ne savons ce que devinrent la p'upart des associés de la compagnie des moulins de Corbeil et ceux qui avaient été chargés d’achats de grains sous l’Ancien Régime. Nous croyons cependant qu'Éioi Leleu devint, sous l’Empire, directeur des postes de l’armée d’Allemagne,-et que Doumerc fut député du Lot aux Cinq-Cents, en septembre 1795; exclu du Corps lécisiatif, au commencement de mars 1796, comme inscrit sur la liste des émigrés, il fut aussitôt rayé et rentra dans l’Assem-

lée à la fin du même mois. 1l tenait au parti modéré et fut condamné à la déportation le 148 Fructidor. Il parvint à s’échapper de Cayenne et fut rappelé en décembre 4799. Je ne sais si ce Doumerc, fournisseur des vivres de la marine sous Louis XVI, était parent du général comte J-an-Pierre Doumerc et d’Auguste Doumere, fournisseur général des vivres en 1814, dont parle Ouvrard. Mémoires, l. 194, 196, 206, 265, 266; II. 198.