Le Royaume de Monténégro : avec une carte

L'AVENIR 93

avec ses environs. Scutari serait alors la capitale, communiquant avec l’intérieur du pays par des voies ferrées, tandis que la rivière Bojana, rendue navigable, relierait la capitale avec la mer Adriatique. Mais. arrêtons-nous ! Tout cela, en effet, c’est bien d’autrui, et ni la Turquie ni l’Autriche ne seraient probablement disposées à s’en laisser déposséder sans résistance. Et pourtant, le rêve que nous venons de faire est celui qui dort au-cœur des Monténéorins. Il est probable qu’il restera longtemps encore dans le domaine des rêves.

Restons donc dans la réalité et examinons plus simplement si l'état actuel des choses pourrait se modifier.

Ce serait évidemment possible, si la population monténégrine était en augmentation. Or, non seulement ce n’est pas le cas, mais le contraire est dûment constaté.

Le Monténégro se dépeuple de plus en plus, et le fait est si certain que, lors du recensement général qui fut établi en 1910, quand la principauté se transforma en royaume, on décida de n’en pas publier les résultats, qui eussent trop éloquemment dénoncé le péril.

Quelques villes prospèrent, mais, à la campagne, bon nombre de maisons abandonnées disent assez quelle misère y sévit.

Aussi des milliers de Monténégrins s’expatrient chaque année pour tenter la fortune ailleurs. Beaucoup s’établissent en Amérique ou en Autriche, et ces émigrants, qui rentrent au pays après avoir vécu dans des États vraiment modernes, où ils ont pu apprécier les bienfaits de la paix et de la civilisation, ne savent plus se plier à ces mœurs d'autrefois, étrange association de sauvagerie meurtrière et de discipline à outrance.

Les auditeurs sont nombreux pour écouter ces gens qui reviennent de là-bas, où la vie est bien meilleure, où l’on mange à sa faim tous les jours, et d’où l’on revient presque riche. C’est surtout parmi les jeunes gens des campagnes que les paroles du narrateur font des ravages. La jeunesse actuelle, en effet, souffre sous la lourde main des autorités, et on peut affirmer, sans exagération aucune, qu’un parti Jeune-Monténégrin s'est formé, bien que ses membres, craignant que la vengeance gouvernementale ne