Le système continental et la Suisse 1803-1813
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tellement inouïe, tellement menaçante, qu’elle justifiait toutes les appréhensions. La crainte d’une annexion prochaine s’imposait. Fréquemment, au cours des années précédentes, des bruits de réunion à la France avaient circulé ; aujourd’hui, ils gagnaient le pays entier. Des rumeurs sourdes venaient de tous côtés, de Genève, de Fribourg, d'Italie ; grossies par les racontars publics, elles répandaient l'inquiétude dans toutes les classes de la société! L’agitation était grande à la frontière, notamment à Bâle, point stratégique et commercial contre lequel l’empereur avait tenu des propos menaçants ; elle se manifestait aussi dans les nouveaux cantons qui devaient leur existence à l’intervention francaise.
Aux sentiments de crainte éveillés dans la Suisse entière, s’ajoutait un mécontentement profond de la classe commerçante. Un certain nombre de négociants et de manufacturiers en étaient manifestement venus, en présence de la crise, à envisager sans répugnance la perspective d’une annexion, La réunion à la France qui leur aurait accordé les avantages économiques dont jouissaient les fabricants de ce pays leur semblait préférable à une indépendance accompagnée de tant de déboires.
Certains symptômes s'étaient manifestés, assez suspects
pour éveiller l’attention des gouvernements et faire croire à :
la propagande secrète d’un parti favorable à la France 2. L'état de malaise général dont souffrait le pays s’affirmait
par des signes de plus en plus alarmants. Aux plaintes
amères qu'il suscitait se mêlait une irritation violente contre
1 Allg. Zig., 95 juillet 1805.
? En 1803 déjà, un journal de Hambourg avait répandu le bruit qu’on rassemblait à Bâle des signatures pour provoquer une réunion à la F rance, qui paraissait être le seul moyen de parer à la ruine des maisons de commerce. On citait même le nom de la maison qui avait lancé l'affaire. Le fait seul d’une nouvelle pareille, quelle que fut la part de vérité qu'on lui attribuait, était en lui-même assez caractéristique. Quelques semaines après l’affaire de Neuchâtel, on répandit dans le canton de Vaud le bruit que la France avait fortement imposé les fromages suisses (d’après quelques journaux, de 40 francs par quintal) et qu’elle avait augmenté le prix du sel
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