Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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cable engagée entre ces deux fractions del *Assemblée. Et de fait, dans la nuit du 3 au 4 septembre, les comédiens et comédiennes du théâtre de la Nation étaient arrêtés chez eux et emprisonnés, savoir :

Aux Madelonnettes : Dazincourt, Fleury, Bellemont Vanhove, Florence, Saint-Fal, Saint-Prix, Naudet, Dumont, Champville, Dupont, Larochelle, Marsy, Gérard, Alexandre Duval. :

Et à Sainte Pélagie : M Lachassaigne, Thénard, Raucourt, Louise et Emilie Contat, Suin, Joly, Devienne, Fleury, Petit-Vanhove, Mézeray, Montgautier, Ribou et Lange (1).

(1) L’arrestation et l'incarcération du célèbre tragédien Larive avaient eu lieu dès le 26 juillet précédent.

Quant à l’acteur Desessarts, qui remplissait à la ComédieFrançaise l'emploi des financiers, et qui était allé prendre les eaux de Barèges, il mourut, âgé de cinquante-cinq ans, frappé dapoplexie, en apprenant l'arrestation de ses camarades. Il était procureur, avant de se faire comédien. Son début, à la Comédie-Française, avait eu lieu le 4 octobre 1772, dans les rôles de Lisimon du Glorieuæ et Lucas du Tuteur. I] devenait sociétaire le 1°* avril 1773. Son embonpoint était tellement énorme que, lorsqu'il jouait Orgon, on était obligé d’avoir une table faite exprès, d'une hauteur exceptionnelle, pour qu’il pût se cacher dessous. Cette monstrueuse corpulence donnait lieu à de nombreuses plaisanteries. Ainsi, à la mort de l'unique éléphant possédé par la Ménagerie, Dugazon lengagea à venir avec lui chez le ministre, Sous prétexte de jouer un proverbe, en lui recommandant de se mettre en grand deuil, étant censé représenter un héritier. « Monseigneur, dit Dugazon, la Comédie-Française sensible à la mort du bel éléphant, qui faisait l’ornement de la ménagerie du roi, trouve une consolation en fournissant à Sa Majesté l’occasion de reconnaitre les longs services de notre camarade Desessarts, pour lequel la Comédie vient vous réclamer la survivance de l'éléphant. » Eclats de rire des spectateurs, et fureur de Desessaris, qui provoque Dugazon en duel. Arrivés au Bois de Boulogne, les deux champions mettent l'épée à la main, mais Dugazon tire de sa poche un morceau de blane d'Espagne, trace un rond sur le ventre de son adversaire et dit froidement :

« Egalisons la partie, tout ce qui sera hors du rond ne comptera pas. »

Le moyen de se battre! Un déjeuner termina ce duel bouffon.