Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

206 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

Alors que Dumouriez reprenait le chemin de la Belgique, dès le lendemain, les Jacobins faisaient à Talma un crime de cette fête, et on criait dans Paris avec la feuille l’Ami du peuple :

« Détails de la fête donnée au traître Dumouriez, par les aristocrates, chez l'acteur Talma, avec les noms des conspirateurs qui s'étaient proposé d’assassiner l’Ami du peuple. »

De semblables attaques ne pouvaient, à cette époque, rester longtemps stériles, aussi, à la suite de

dénonciations ardentes et réitérées, Talma fut tra: duit, le 3 octobre 1793, devant le tribunal révolutionnaire, comme complice de Dumouriez, et accusé d’avoir fait de sa maison de la rue Chantereine un lieu de réunion de conspirateurs contre la République.

Ce ne fut que par miracle qu’il échappa à l’écha-

D RE AS RE LE ER

la première fois de ma vie que j'ai vu Marat et j'espère que ce sera la dernière. Mais si j'étais peintre, je pourrais faire son portrait, tant sa figure m'a frappée. Il était en carmagnole, un mouchoir de madras rouge et sale autour de la tète, celui avec lequel il couchait probablement depuis fort \ longtemps. Des cheveux gras s'en échappaient par mèches, et son cou était entouré d'un mouchoir à peine attaché. Je n’ai pas oublié un mot de son discours, le voici : « Citoyen, une députation des amis de la liberté s'est rendue aux bureaux de la guerre pour y communiquer les dépêches qui te concernent. On s’est présenté chez toi, on ne t'a trouvé nulle part. Nous ne devions pas nous attendre à te trouver ici, dans une semblable maison, au milieu de concubines et de contrerévolutionnaires. »

Talma s'avança et lui dit : « Citoyen Marat, de quel droit viens-tu chez moi insulter nos femmes et nos sœurs? — Ne puis-je, ajouta Dumouriez, me reposer des fatigues de la guerre, au milieu des arts et de mes amis, sans les entendre outrager par des épithètes indécentes? »

& __ «Cette maison est un foyer de contre-révolution,» s’écria ; Marat ; et il est sorti en proférant les plus effroyables menaces. C’est alors que Dugazon qui, par ses bouffonneries, faisait toujours diversion aux scènes sérieuses, jugea le moment opportun de changer la tournure de la conversation; après le départ de Marat, il alla chercher un réchaud et y brûla du sucre sur ses traces, afin de purifier l'air, disait-il!.. » :