Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

210 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

Monvel et Dugazon ne furent pas les derniers à se signaler par la violence de leurs actes et de leurs écrits. Ainsi, Dugazon, s'inspirant également des sentiments que nous venons d'indiquer, faisait jouer, sur le même théâtre de la République, moins de deux mois après la pièce de Cammaille Saint-Aubin, le 28 octobre 1793 (1), une pièce en un acte et en vers, intitulée Le Modéré. Il avait, comme coup d’essai dans ce genre, fait déjà représenter, au même théâtre, juste un an auparavant, le 25 octobre 1792, une comédie en trois actes et en vers, intitulée : L'Emigrante ou le Père Jacobin. Dans cette pièce Dugazon jouait lui-même le rôle du Père Jacobin, avec sa carte de Jacobin à sa boutonnière.

Le principal personnage, Modérantin, est un an-

cien négociant qui, par ses paroles etses actions, ex- | prime nettement qu’en se soumettant ponctuellement à toutes les charges publiques imposées aux citoyens, il se considère comme parfaitement libre de vivre à sa guise, à son gré, de jouir de sa fortune en faisant bonne chère et en recevant ses amis à sa table. . Mais, de semblables idées sont fort mal accueillies par la plupart de ceux qui l’approchent, et, notamment, son vieux domestique Dufour, s’expliquant sur son compte, avec un sentiment ironique et manifestement hostile et réprobateur, dit qu'il :

Possède tous les goûts de bonne compagnie.

Requis de donner des renseignements sur le citoyen Modérantin, considéré comme un homme dangereux

jours entre les mains du citoyen Monvel. Si ma pièce eût ‘été donnée plus tôt, peut-être n’aurions-nous pas à regretter un des plus courageux défenseurs de l'égalité politique. »

(Journal des spectacles, juillet 1793.) (1) Deux jours avant l'exécution des Girondins.