Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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scène sans être décorés d’une cocarde, ou de rubans aux trois couleurs nationales.

On peut juger du bel effet que ces emblêmes révolutionnaires produisaient sur le casque d'Achille ou sur le corsage d'Hermione! Et comme l'illusion théatrale était bien observée, la couleur locale respectée, lorsque c'était la poitrine ornée d’une large cocarde tricolore que Phèdre déclarait sa flamme à Hippolyte!

Il existait encore d’autres causes de bizarrerie et d’étrangetés, qui donnaient, parfois, aux représentations théâtrales une bien curieuse physionomie.

À cette terrible époque tous les citoyens, y compris les comédiens, faisaient partie de la garde nationale, et même, plusieurs d’entre eux exercçaient des fonctions publiques ; c’est ainsi que Dugazon fut aide de camp de Santerre, que Fusil, doublure de Dugazon, sortit de l'emploi des comiques, pour devenir membre du comité révolutionnaire à Lyon, où il inspira plus de terreur et d’effroi que jamais chef d'emploi dans aucun drame, dans aucune tragédie.

Grammont avait également été envoyé adjudant général en Vendée; son fils lui servait d’aide de camp. Ils périrent tous deux sur l’échafaud, le 13 avril 1794, condamnés pour s'être livrés à d’abominables excès. On prétendait que le jeune Grammont, âgé de dixhuit ans, lors de l’exécution de la Reine, s'était élancé sur l’échafaud pour tremper son mouchoir dans le sang de la victime (1).

Il arrivait, par suite, que certains de ces artistes fonctionnaires n’hésitaient pas à sacrifier leur service dramatique à leur service de citoyens.

(1) Trial, l’acteur de l’Opéra-Comique, était commissaire de la Commune et délégué pour la surveillance de la prison de la Force, fonction qu'il exerçait avec la plus grande rigueur envers les détenus.

(Mémoires du comte Beugnot, souvenirs de 1794, 1: vol.)