Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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244 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

ce corps ne devint une relique pour les royalistes.

Il est un autre fait plus significatif, et qui accentue, encore davantage, la différence capitale existant entre la physionomie de ces années 1793 et 1794.

Quatre mois après le supplice du roï, la veille de l’arrestation des Girondins, le 30 mai 1795, — une belle et riante journée de printemps, tout ensoleillée et, comme contraste, en pleine fureur de proscription, — c’est le jour de la Fête-Dieu, la fête du SaintSacrement, que le peuple, sous la monarchie, aimait à célébrer par des reposoirs somptueusement ornés, des autels brillamment illuminés, des tentures de tapisserie sur les murailles, et des masses de verdure et de fleurs jonchant le sol des rues.

Que va-t-il donc se passer dans cette journée ?

Ces pratiques religieuses, taxées alors de « puérilités idolâtriques, propres seulement à entretenir le peuple dans l’abêtissement de la superstition, » les laissera-t-on encore une fois s’accomplir? ces processions, ces tentures, ces reposoirs, seront-ils autorisés ?

Eh bien! oui assurément, et de plus la police y assistera et veillera au bon ordre. Même, elle constatera la parfaite régularité de la cérémonie, le zèle du peuple à orner les rues sur le parcours du cortège et son recueillement, en se prosternant sous la bénédiction du prêtre.

En même temps que le tocsin sonnait dans tout Paris, — contraste étrange, saisissant! — les processions de la Fête-Dieu remplissaient les rues; et ces faits, quelque incroyables qu'ils puissent paraître, sont constatés par un document officiel, irrécusable : c'est le rapport d’un agent de police déposé aux Archives nationales. Il porte ceci :

« J'ai vu beaucoup de petit peuple aux processions des paroisses, et surtout des épouses de Sans-