Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LA TERREUR 249

en un grand nombre de boulettes, était lancée, par la fenêtre de son cabinet, dans la Seine.

Cependant, ce n’était pas sans un danger menaçant qu'à diverses reprises s’accomplissait ce genre d’opération, Car, dans la nuit du 9 au 10 messidor, sortant à une heure après minuit de son bureau, d’où il emportait les dossiers des trois journées précédentes, comprenant les pièces concernant les Comédiens-Français, il faillit être surpris par plusieurs conventionnels, qui se disputaient dans les corridors du pavillon de Flore, aux Tuileries, où siégeait le Comité de salut public.

Heureusement, il eut le temps de se cacher, avec ses dossiers, dans un coffre à bois, placé là fort à propos.

Collot d'Herbois et ses interlocuteurs passèrent, et il parvint à s’esquiver.

Dès le matin, les pièces d'accusation contre les Comédiens-Français étaient englouties dans la Seine (1).

Quoique véhémentement soupçonné, Labussière, en l'absence de preuves positives de sa culpabilité, put échapper à la mort qui le menaçait, et qu’il avait bravée avec tant de courage.

Mais, la nécessité de recomposer un nouveau dossier, de rédiger de nouvelles pièces d'accusation, entraîna forcément des délais, d'autant plus longs qu’il y avait alors accumulation de besogne et encombrement, à un moment où on envoyait souvent à l'échafaud quarante à cinquante têtes par jour.

Cependant, on finit par s’'émouvoir, même à la Convention, de ces retards inexplicables, de telle sorte que

(1) Les renseignements qui précèdent sont extraits d’une letire insérée au Journal des Débats, le 5 messidor an XI (23 juin 1802), et reproduite par M. Arthur Pougin, au cours d’un article très détaillé et fort intéressant, sur Labussière, paru dans Le Temps.