Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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cette personnalité si puissamment suggestive étaient irrésistibles à ce point qu’on a dit que « lorsqu'elle entrait dans un salon, elle faisait le jour et la nuit ; — le jour pour elle et la nuit pour les autres » (1).

Une période de luxe, de plaisirs déréglés et licencieux succédait alors à la Terreur, et on voyait s’y livrer, avec un emportement sans frein, une société tout enivrée et comme affolée d’avoir échappé à la crise du terrorisme. Pour compléter, par un dernier trait, ce tableau si étrangement mouvementé et si pittoresque, reproduisons, ici, la description d’une des toilettes attribuées à M"° Tallien, au sein d’une de ces fêtes somptueuses où muscadins et muscadines lui faisaient une sorte de cortège triomphal :

« Peplum de gaze, lamé d'argent, qui gazait fort peu et soulignait voluptueusement ce que le journaliste Mercier appelait « les réservoirs de la maternité »; au cou, aux bras des camées, et aux doigts de pieds nus, « aux pattes de derrière » (dit une satire comporaine très mordante,) des diamants gros comme des noisettes » (2).

L’audace des toilettes dépassait, d’ailleurs alors, tout ce qu'on peut imaginer, car une autre beauté, aussi d’une élégance suprême, n’avait-elle pas osé paraître au bal d’Idalie, sans le vêtement intime for-

(1) Ce portrait a été tracé par le compositeur Auber, admis auprès de M Tallien après Thermidor. Ce fut, aussi, dans le salon de celle-ci, devenue, plus tard, princesse de Chimay, qu'il donna son premier opéra, en ayant pour 1* violon son jeune ami Ingres, alors élève de David.

(Arsène Houssaye, Madame Tallien.)

RE NES Le diamant seul doit parer Des attraits que blesse la laine. re Et des anneaux d'or cerclent les doigts de pied.

(Rapsodies, 3° trimestre.)