Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

PÉRIODE THERMIDORIENNE. — DIRECTOIRE 261

Oui, nous jurons sur votre tombe, Par notre pays [malheureux,

De ne faire qu’une hécatombe

De ces cannibales affreux.

À la voix vibrante de Talma, naît une émotion profonde, indicible; tous les cœurs tressaillent; de strophe en strophe l’indignation contre les Jacobins monte plus intense, plus formidable, et s'accroît jusqu’au paroxysme.

Les applaudissements et les cris retentissent comme uu ouragan fougueux. C’est de la colère, du délire, de la frénésie qui se déchaînent (1).

Cette pièce de vers a pour titre : Le Réveil du peuple. La Révolution thermidorienne a trouvé sa Marseillaise, son chant de guerre; et bientôt cet hymne réactionnaire mis en musique, au mois de germinal an Ill, par Gaveaux (2), acquiert une immense popularité. Le Réveil du peuple est chanté dans tous les théâtres, sur la voie publique, à Paris d’abord; puis dans toute la France.

A la Convention même, avant l'ouverture de la

(1) C’est dans celte soirée qu'un jeune homme de Lyon, se levant sur sa banquette, lut à hauie voix un jugement signé Fusil, qui condamnait son père à mort, ei causa ainsi une profonde émotion.

(2) Gaveaux, artiste du théâtre Feydeau, auteur de la partition de plusieurs opéras-comiques à succès. Il fréquentait les muscadins, et s'était fait une notoriété parmi eux. Voici ce que disait de lui le Courrier républicain, du 4 pluviôse an III (23 juin 1795) :

.… « Au café de Chartres, le citoyen Gaveaux, acteur du théâtre de la rue Feydeau, a chanté, sur la demande du peuple, une chanson contre les terroristes, dont les pensées sont extrêmement fortes. Au surplus, elle a produit le plus grand effet, et, aux sons de cette musique, on s’est de nouveau promis de poursuivre sans relâche les coupables auteurs de nos maux. Les citoyens se sont aussi engagés à demander que cette chanson füt chantée sur tous les théâtres. »

Il est bien évident qu'il s'agissait du Réveil du peuple.