Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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216 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

Là, quand de Thermidor la septième journée,

Sous les feux du Lion ramènera l’année,

O mon frère! je veux, relisanttes écrits,

Chanter l'hymne funèbre à tes mânes proscrits.

Là souvent tu verras près de ton mausolée,

Tes frères gémissants, ta mère désolée,

Quelques amis des arts, un peu d'ombre et de fleurs; Et ton jeune laurier grandira sous mes pleurs (1).

Quant à Dugazon, son exaltation trop notoire, ses productions dramatiques, notamment celle où la modération était représentée comme un crime capital, le vouaient infailliblement aux manifestations hostiles et ardentes de la jeunesse réactionnaire.

Un soir, mis en demeure par le public de chanter le Réveil du peuple, il s'y refuse nettement. Assailli par des cris, des huées et des sifflets, non seulement

(1) Chénier, qui se place au premier rang des faiseurs d'épigrammes, se vengea encore de l'abbé Morellet, par le sixain suivant :

MORELLET.

Quand l'abbé Morellet écrit

Ne lui demandez pas d'esprit; C’est un impôt dont il s’exempte. Et ce doyen des vieux enfants Ne tient pas à quatre-vingts ans Ce qu’il promettait à soixante.

Cependant ces attaques calomnieuses avaient pris une telle consistance que, longtemps après, Bouilly, ep publiant un de ses ouvrages, crut devoir y formuler cette protestation :

« Comment laisserais-je échapper ici l’occasion de venger Chénier d’une aussi cruelle imputation, lorsque j'ai vu, de mes propres yeux vu, ses larmes fraternelles couvrir le piano de Méhul, notre ami commun, chez lequel il s'était réfugié, éperdu de douleur, la nuit qui suivit l'exécution d’André ? et surtout lorsqu’aux funérailles de Joseph, j'ai entendu cette vérité frappante proférée par Arnault, sur le cercueil de son malheureux confrère : « Poursuivi par la calomnie, Chénier se réfugia dans les bras de sa mère; ah! se seraient-ils ouverts à son repentir, s’il eût été couvert du sang d’un frère? »

(Mes Récapitulations, T. Il.)