Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

PÉRIODE THERMIDORIENNE. — DIRECTOIRE 279

été soulevée et son exécution réclamée à grands cris; on y arriva enfin violemment, même avant que leur suppression eût été régulièrement ordonnée.

Un de ces épisodes se trouve ainsi raconté, dans la Gazette nationale du 19 pluviôse :

« Avant-hier, au théâtre de la rue Feydeau, avant l’ouverture de la scène, les citoyens qui s’y trouvaient en foule, attirés par la représentation de Phèdre, ont crié pendant quelques minutes : « À bas Marat! » Un spectateur, placé dans le balcon voisin du buste, a escaladé la loge à laquelle il était adossé, et l’a précipité de la console qui lui servait de piédestal, aux applaudissements universels. Le buste de J.-J. Rousseau a été demandé à grands cris, aussitôt après la chute du premier. Il est à l'instant mis à la place que l’on venait de rendre vacante, et accueilli par de vifs applaudissements. Le même citoyen qui avait renversé Marat, ayant demandé à lire quelques vers impromptus qui venaient de lui être communiqués, a récité le quatrain suivant :

Des lauriers de Marat il n’est point une feuille

Qui ne retrace un crime à l'œil épouvanté;

Mais ceux que le sensible et bon Rousseau recueille Lui sont dus par la France et par l’humanité.

. « On acrié bis, et le quatrain a été répété aux acclamations unanimes des spectateurs. Le même jour, le buste de Marat a été également renversé au théâtre de la République et à celui de Montansier (1). »

(1) L’agitation produite par ces bustes de Marat prit un tel degré d'intensité que la question fut portée devant la Convention. Elle donna lieu à un rapport fait par un de ses membres, Mathieu, au nom du Comité de sûreté générale, dans la séance du 20 pluviôse (8 février 1795), trois jours après le renverse-