Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

PÉRIODE THERMIDORIENNE. — DIRECTOIRE 283

sa banquette et disant cent fois, cent soirs de suite : « Oh! comme je me venge de ces coquins-là (1)! »

Dans une autre pièce, Les Assemblées primaires ou Les élections, par Martainville, on chantait:

Il fut un temps où, dans la France, Le nom sacré de magistrat

Etait le prix de l'ignorance,

Du vol et de l'assassinat! Espérons de ces jours horribles Ne revoir jamais les fléaux.…. Non, les intrigants, les bourreaux Ne seront jamais éligibles!

Ces complets étaient chantés en chœur dans les rues par les muscadins et les incroyables qui, s’excitant mutuellement, poursuivaient à coups de gourdins les Jacobins tremblants, en leur criant aux oreilles le Réveil du peuple. C'était une poursuite acharnée, accompagnée de ces exclamations : « Ils ne nous échapperont pas! »

Un soir, au théâtre Montansier, quelle émotion du cintre au parterre, à cette apostrophe d’un jeune homme à son voisin : « Tu es l’assassin de mon frère! (2) »

Aux Italiens, l’'émoi ne fut pas moins vif, moins profond, quand, au milieu de la représentation, saisie d’une subite attaque de nerfs, une jeune fille de dixsept ans, M' Latour du Pin, s’écria : « Les Jacobins! les Jacobins! Ce sont eux qui ont tué mon père et ma mère !.…. Otez ce sang! (3) »

Cependant, au sein de ces agitations et de ces représailles causées par le souvenir récent de l'influence

(1) Esquisses dramatiques du gouvernement révolutionnaire. (2) Le Censeur des Journaux, par Gallais, juiliet 1797.

(3) Paris, par Pelletier, juin 1796.