Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

PÉRIODE THERMIDORIENNE. — DIRECTOIRE 287

par e Bon Fermier à sa femme craignant le retour de la Terreur :

« Y penses-tu, ma femme, la Terreurrevenir? Cela « est impossible. Elle ne souillera plus la France. « Nous le jurons tous! Tout ce qui est bon et honnête « n’a été que faible, en laissant dominer les tyrans, « mais une seconde fois ce serait un crime. Crois-moi, «les amis de l’ordre, de l’humamnité se réuniront « contre l’oppression. Je te le répète encore une fois : « nous le jurons tous. »

Le vertueux Cange, Le Bon Fermier, sont les reproductions sincères d’un type spécial et tout particulier à cette époque, celui de « l’homme sensible, de l’homme généreux et ami de l'humanité. »

C’est avec un très vif relief, que ces individualités vertueuses se détachent dans ce cadre dramatique d’une naïveté primordiale, et qu’elles se produisent à l'admiration attendrie de la foule. En quoi on doit reconnaître que ces hommes de la Révolution sont bien moins les fils de Voltaire, un railleur, que de Rousseau, un sentimental, un adorateur de la nature et de la vertu. On peut dire que cette époque fut le triomphe du sentimentalisme à outrance (1).

Mais quel contraste frappant avec les pièces de théâtre jouées sous la Terreur, telles que le Modéré et le Jugement dernier des Rois! |

C’est au cours de l’année 1794 que les deux théâtres, presque simultanément, réprirent la tragédie de Lemierre : Guillaume Tell, jouée sans succès dans sa nouveauté en 1766, à ce point qu’elle avait inspiré cette boutade à Sophie Arnould : « C’est ici le con-

(1) Voir sur ce sujet Le Théâtre de la Révolution, par H. Velschinger, chap. xiv, La Sensibilité, p. 350 et les Origines de la France contemporaine, par H. Taiïne.