Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

PAR TUE

PRO = Vatr

AIDES

288 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

traire du proverbe : Point d'argent, point de Suisse. Il y a beaucoup de Suisses et point d'argent (1). »

On trouve un tableau assez curieux de l'aspect général des théâtres, à cette époque, et particulièrement la physionomie comparative des deux Théâtres-Français, de la République et Feydeau, dans un rapport de Perrière au ministre Paré, en date du 8 septembre 1794, c’est-à-dire à l'instant où le mouvement thermidorien est dans toute sa force initiale.

En voici quelques passages :

« ……. Quant aux spectacles, je n’ai pas encore par« couru tous ces temples d'instruction ou de dépra« vation publique : mais ceux que j'ai visités m'ont « fourni cette remarque que l’on peut faire en ce mo« ment sur tous les points de l’Empire, c’est que la « Révolution, partout voulue par le peuple, est par« tout méchamment contrariée par le riche; ilsuit de « là que les petits spectacles, fréquentés par la classe « la moins aisée des citoyens, présentent dans les « Spectateurs et ceux qui les amusent un ensemble « de patriotisme bien flatteur pour le vrai républi« Cain; tandis que ceux à la construction desquels a « présidé la magnificence, et dont le prix des places « n'ouvre guère la porte qu'aux riches, ne reçoivent « dans leur sein que les ennemis de la liberté ou ceux « qu’elle trouve indifférents. Mais, comme je l’ai dit « plus haut, cette remarque n’est que générale, et, « dans les grands spectacles, il faut en excepter, par «exemple, celui de la République. Il mérite vérita« blement son nom : c’est là qu'accourent les plus

(1) Cette actrice, dont on citait les saillies et les bons mots, en était réduite, à l’époque du Consulat, à écrire la lettre suivante au ministre Lucien Bonaparte :

« Citoyen ministre, j'ai allumé beaucoup de feux dans ma vie; je n'ai pas un fagot à mettre dans le mien; le fait est que je meurs de faim.

Signé : Une vieille actrice qui n'est pas de votre temps. »