Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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une tragédie sur Caton, mais sous le nom d'un comédien nommé Lathuilerie (1).

Le 12 nivôse an IV (2 janvier 1796), les comédiens du théâtre Feydeau représentaient une tragédie en trois actes d’un jeune homme nommé Souriguières, qui avait acquis une certaine célébrité, l’année précédente, comme auteur du fameux chant réactionnaire, le Réveil du peuple. ; |

Le sujet de My-rha, l’un des plus extraordinaires et des plus osés qu'on eût jamais mis à la scène, mérite, à ce titre, une mention spéciale.

Il étaittiré d’une tragédie de Vittorio Alfieri.

Myrrha est sur le point d’épouser Périandre, jeune héros estimé de toute la Grèce et fort épris de sa fiancée. Cynire et Antiope, père et mère de celle-ci, se réjouissent de l'union projetée. Mais, au contraire,

(4) L'Abbé Abeille, auteur d'Argélie, reine de Thessalie, tragédie en 5 actes, n’osait plus mettre son nom à ses ouvrages, depuis la mésaventure si connue, advenue lors de la représentation de cette pièce, en 1763.

Le 1° acte débute par une scène entre les deux princesses, Argélie et Ismène; l'une des deux disait :

Vous souvient-il, ma sœur, du feu roi notre père?

La seconde actrice, ayant perdu la mémoire, et tardant à répondre, un plaisant du parterre dit tout haut :

Ma foi, s'il m’en souvient, il ne m’en souvient guère! Ce vers était tiré du Geôlier de soi-même, par Th. Corneille.

Cet à-propos a été souvent cité, sans que, probablement, on en connüt l'origine.

Le souvenir de cet incident comique, et aussi du peu de mérite de ses œuvres, attira au malheureux abbé l'épitaphe suivante, attribuée à Olivier, de l’Académie de Marseille :

Ci-git un auteur tant fêté

Qu'il crut aller tout droit à l’immortalité;

Mais sa gloire et son corps n’ont qu'une même bière; Et quand Abeille on nommera, Dame postérité dira :

Ma foi, s’il m'en souvient, il ne m’en souvient guère.