Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

32 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

Si Genève s’abuse, il la faut excuser. Et sans être coupable on pouvait s’abuser.

Enfin cette exclamation de Charles IX devant ses victimes : J'ai trahi la patrie et l'honneur et les lois, Le ciel en me frappant donne un exemple aux rois.

Mirabeau, dans une loge, donnait le signal des applaudissements, qui redoublèrent d'intensité à ces deux vers prophétiques :

Ces tombeaux des vivants, ces bastilles affreuses S’écrouleront un jour sous des mains généreuses.

La salle entière se leva même alors avec de frénétiques acclamations, et fit répéter ce passage, comme on aurait fait bisser une ariette d'opéra.

Danton avait dit, en sortant : « Si Figaro a tué la noblesse, Charles IX tuera la royauté. » Et Camille Desmoulins ajoutait : « Cette pièce-là avance plus nos affaires que les journées d'octobre. »

L'auteur, demandé à grands cris, fut amené à la rampe par Talma, et la foule le reconduisit en triomphe à son domicile.

On acclama aussi le jeune tragédien, dont la puissance dramatique, trop longtemps contenue, éclatait de façon à exciter l'admiration, et à le classer au premier rang.

Ce fut un de ces bruyants triomphes qui font époque au théâtre. Grimm prétendit que, dans sa nouveauté, Charles IX avait attiré plus de monde que le Mariage de Figaro. Enfin la pièce fit recette, chose rare à une époque où les événements politiques nuisaient singulièrement aux entreprises théâtrales (1).

(1) Le premier jour, la recette fut de 5,018 livres, et les 33 représentations produisirent 128,000 livres. — La 33° représentation eut lieu le 16 mai 1790.

M.-J. Chénier offrit aux pauvres du district des Cordeliers