Lepeletier de Saint-Fargeau et son meurtrier : documents inédits

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tution et de législation contre la peine de mort. Ses sentiments conous à cet égard, la fermeté d'âme que l'on devait s'attendre à trouver chez le président au Parlement de Paris, permettaient encore d'espérer. Et cependant, le 13 juillet 1789, on avait déjà pu surprendre chez cet homme un symptôme de défaillance : « Lorsque personne, avait-il dit en appuyant la demande du rappel de Necker, lorsque personne ne représente le peuple, ilse représente lui-même», paroles qui accusaient plus de froid raisonnement que de ferme courage etque d'autres plus malheureuses devaientunjour tristement compléter.

Un écrit anonyme répandu à grand nombre lui reprocha son rrvirement politique, et Lepeletier crut devoir prendre la plume pour expliquer ce dont on s’étonnait!.

La crainte des violences populiires, tel paraît avoir été le secret molif d'une conversion imprévue aux aspirations nouvelles.-La préoccupation d’obéir à la foule pour n'être point emporté par elle se montra une fois de plus, en effet, dans un écrit indigne du magisWat qui devait plus que tout autre avoir présent à la mémoire le beau préceple des lois romaines : « Vanæ voces populi non sunt audiendæ. » Dans son Opinion sur le jugement de Louis XVI, ci-devant roi des Français*, Lepeletier dit : « S'il arrivait que nous vinssions à prononcer sur le sort de Louis d’une manière évidemment contraire à la justice, à l'intérêt publie, à la conscience intime du peuple français. serait-ce contre Louis au Temple que ce même peuple devrait exercer, sans l'intermédiaire des lois, sa vengeance?

« Non, car là, la trahison est désarmée.

« Ce serait contre les mandataires infidèles de la nation que linsurrection deviendrait légitime, parce que là seraient réunies la trahison et la puissance. »

Telles furent les paroles menaçantes qui, entrainant les voix nombreuses dont disposait Lepeletier de Saint-Fargeau”, causèrent, avec la mort du roi, celle du représentant qui les avait écrites. «Comme beaucoup d'hommes de son rang, dit M. Thiers, ilavait voté

‘ Je n'ai pu retrouver le texte de l'attaque dirigée ainsi contre Lepeletier. L'existence ne m'en est connue que par la Réponse à un écrit intitulé Bulletin de la grande assemblée du club des Jacobins (Œuvres de Michel Lepeletier SaintFargeau, publiées par Félix Lepeletier, son frère. Bruxelles, 1826, in-8°, p. 588).

* Convention nationale, Législatiop, n° 104. Paris, Imprimerie nationale, 1799, in-8°.

5 Nous avons vu Boissy-d’Anglas parler de trente voix; une note anonyme, trouvée chez Durand-Wailline et publiée au Moniteur par ordre du Directoire, en porte le chiffre à deux cents. (Moniteur, 20 germinal an VI, p. 802.)