Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 869

grief contemporain. Il y eut, de tout temps, de bons et de mauvais rois, les uns personnels ou oppresseurs, les autres, aidant euxmêmes leurs sujets à conquérir toute la dose de liberté compatible avec l'esprit du temps. Ge qui distingue, sous ce rapport, notre siècle de ceux qui l’ont immédiatement précédé, c’est que tout le monde en est venu à admettre la doctrine politique des libéraux d'autrefois ; tout le monde, aujourd'hui, reconnaît la vérité de cet adage, proclamé dès le treizième siècle par les esprits d'élite : Les rois sont faits pour les peuples et non les peuples pour les rois.

Il faut même convenir que, de nos jours, on abuse un peu de cette maxime : nous mettons à la répéter une affectation puérile. À quoi bon tant insister sur ce qui est universellement admis? Ce que nous oublions, c’est de montrer, par notre exemple, que les nations en progrès sont celles qui s’appartiennent réellement, celles qui savent se conduire elles-mêmes. Dans l’ancienne France, on est sujet, mais il s’en faut que tous les rois soient tyrans. De nos jours, on est citoyen. Est-on libre au degré que ce ütre comporte? Monarchie, empire ou république, nous avons proclamé bien des formes de gouvernement, tantôt l’une, tantôt l’autre, l’autre après l’une et l'une après l’autre. Mais sommes-nous enfin parvenus à faire respecter nos droits? Tout est là, et c’est à cela que nous réussissons le moins. Pourquoi? — On peut en donner plusieurs raisons.

L'une d’entre elles, et ce n’est pas la moindre, c’est que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Nous ignorons absolument notre histoire : d’où il résulte que le présent, bien préférable au passé à certains égards, adresse au passé, sous d’autres rapports, des reproches que celui-ci ne mérite pas: Bien ou mal, mal pour la plupart, nous savons quelque chose des temps les plus rapprochés du nôtre; nous avons tous lu quelques mémoires contemporains, quelque histoire, plus ou moins véridique, de la Restauration, de l'Empire, de la Révolution française. Peut-être même si, par aventure et sans d’ailleurs rétablir aucun cens, une loi électorale exigeait que, pour être député, on fit preuve d’avoir au moins quelques notions d'histoire de France, peut-être, dans ce cas, bacheliers compris, trouverail-on, en moyenne, par département, une cinquantaine de sujets capables d'affronter l'épreuve de l'examen. Encore ferait-on bien pour cela de ne pas remonter trop haut, pas au delà de Louis XIV ou, tout au plus, d'Henri IV. Qu'on ne nous interroge, cela va sans dire, ni sur les Mérovingiens, ni sur les Carlovingiens, ni sur les débuts de la troisième race; mais qu'on écarte même toule celte partie de notre passé qui s'étend du roi Jean à Louis XII, du milieu du quatorzième siècle au commencement du dix-seplième.