Les états généraux en France
868 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.
alors se fût contenté, lui, d'être « quelque chose, » devait être « tout. »
Le tiers état est devenu tout; il a tout absorbé; en dehors de lui, il n’y a plus de classes, et de ceci on ne doit pas se plaindre, puisque l'égalité civile en résulte. La question est de savoir si la manière dont ce résultat fut obtenu n’est pas une des causes pour lesquelles, chez nous, la liberté n’est que passagère; pour lesquelles, la plupart du temps, quand nous la cherchons, nous ne la trouvons pas. D'une part, le démocralisme, qui règne et gouverne, ne prend-il pas tous les moyens de rétablir, au profit de la plèbe, les choquantes inégalités de l’ancien régime; et ne va-t-il pas, dans ses jours de franchise, jusqu'à déclarer qu'il faut en finir avec les bourgeois actuels, non moins qu'avec les aristocrates d'autrefois? D’autre part, la souveraineté populaire, telle qu’on la comprend de nos jours, telle qu’on l’oppose à la doctrine défigurée du droit divin; cette souveraineté qui, lorsqu'elle ne s'exerce point par la violence révolutionnaire, accepte le nombre, et lui tout seul, sans restrictions, sans garanties, sans contre-poids, pour base et pour expression, peut-elle donner à un peuple les libertés et aussi le repos dont il a besoin? est-ce bien là que se trouve, comme on le dit, la loi de l'avenir? y a-t-il de quoi bâtir quelque chose avec cette impalpable poussière dont se compose actuellement notre sociëté politique? L'expérience là-dessus est à faire, ou plutôt elle est faite : l’avalanche aussi est poussière, et sa force est irrésistible, mais c’est une force qui détruit tout.
Quelque opinion qu’on ait sur l'avenir des institutions républicaines en France, on peut assurémeut se demander si légalité civile, qui est un bien, et qu'il faudrait tous défendre dans le cas où quelqu'un s’aviserait de l'attaquer, à nécessairement pour conséquence cette égalité politique absolue, sans exemple d’ailleurs, d’où il résulte que le gouvernement d’un grand pays appartient, non pas, . comme cela doit être, aux plus intelligents, aux plus probes, aux plus libres; mais à cette masse ignorante, envieuse, turbulente, libertine, qui, à certains jours, n’est, chez nous, la plus nombreuse que parce qu’elle est la plus trompée.
On peut aussi, sans aller jusqu'à croire, sur la foi d'historiens suspects, que, dès le temps de Childéric, les Français qui, la veille encore, s’appelaient les Franes, se prissent à discourir sur les mérites intrinsèques et sur les défauts de la royauté, on peut se convaincre que le reproche, fait à celle-ci, d’être condamnée à devenir forcément, et quoi qu’elle fasse, un instrument de servitude, n’est pas seulement fondé sur une erreur ef sur une injustice ; c'est un