Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 813

Louis XI eut des vices, mais on sait qu'il n’eut qu’une passion : l’abaissement de la noblesse. Une fois les nobles humiliés, et si entouré qu'il se plût à être d'éléments bourgeois, ce roi n’était pos d'humeur à subir la loi que lui eût faite une classe quelconque de ses sujets. Il n'était pas homme non plus à se créer des difficultés en se passant de leur appui dans des circonstances où, pour réussir, ce concours lui était nécessaire. Par la coalition triomphante des princes, auxquels vint en aide tout l'élément féodal, le royaume était menacé d’un véritabte démembrement. La Normandie en particulier se trouvait attribuée au frère du roi, au duc de Berry, par le traité de Conflans, traité que Louis XI, qui voulait « échapper à ses vainqueurs en se baissant, » avait signé sans difficulté, mais violé aussitôt, ayant recours à la force pour reprendre le duché cédé par lui. Le duc de Berry appelle à son aide Charles le Téméraire, qui, bien qu'occupé ailleurs par l'insurrection des villes flamandes, n'hésite pas à marcher au secours du nouveau duc de Normandie. À celui-ci, les Anglais, de leur côté, sont peut-être à Ja veille d’accorder protection. L'heure est solennelle ; il n’y a pas un instant à perdre ; il y va de l’unité nationale. Dans ces circonstances critiques, que fait Louis XI? — Un coup de maître. Lui qui, sur les moyens de se procurer des subsides, se montrait peu scrupuleux, et savait fort bien se passer du concours des députés, ne songe pas à aulre chose qu’à obtenir, en la circonstance, une grande manifestation nationale. C'est que, comme le fait remarquer M. Picot, ce roi « connaissait à merveille le caractère français; il savait que s'il pouvait tout craindre à certaines époques de mécontentement populaire, il en était d'autres où le courant général secondait admirablement les entreprises du prince. » Cette remarque, tirée de notre caractère, s'applique à toutes les époques de notre histoire, et particulièrement à notre histoire contemporaine. Les gouvernants se jettent à corps perdu dans le courant dont il est ici question ; ils semblent en cela faire acte de hardiesse non moins que de soumission, et leur popularité y gagne ; mais, en réalité, c’est le peuple qui nage, qui les porte et qui les dépose en sûreté sur la rive. Dans ce moment-là, on joue de la souveraineté nationale, mais c’est à condition de la jouer. Ainsi en fut-il aux États de Tours. Pour ce qui regarde l'élection des députés, on peut se demander si ce n’est pas de là que datent les candidatures officielles, car le roi, dit Commines, «avait pris de grands soins pour que les députés fussent élus selon son gré, en telle sorte qu’il en füt aidé et non géné. »

La session de Tours ne dura pas plus de huit jours, et ce fut la seule qui se tint sous le règne de Louis XI. Encore paraît-il que le

nombre des députés fut plus restreint que de coutume, et que le 10 Juin 4875.