Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 877

point de départ de la Révolution française. L'erreur commune estde croire que celle-ci date seulement de 1789, et qu'au delà de cette année, la révolution n’a ni ancêtres ni races.

Quand on étudie l’histoire des États Généraux dans la vieille France, et que, poursuivant son chemin, on tombe tout à coup dans le vide que Louis XIV fit autour de lui, on s’aperçoit vite, au contraire, que le mouvement de 1789 ne fut, à ses débuts, pas autre chose qu'une réaction contre les empiétements de la monarchie absolue; qu'une aspiration de retour vers des libertés d’ancien régime, et aussi une fièvre d'égalité accrue par l’isolement dans lequel, pendant cent soixante-quinze ans, les trois ordres alors subsistants et la royauté elle-même avaient été tenus les uns à l’égard des autres. Dans l’ancienne France, quand les députés de ces trois ordres se réunissaient à l'appel du roi, c’était souvent pour lutter contre le roi, et aussi pour disputer entre eux. Sans doute, le combat n’est point la paix; mais, dans l'intérêt de la paix elle-même, de la paix future, il arrive souvent que le combat, s’il se poursuit à armes courtoises, et dût-il parfois s’y mêler un peu d’aigreur, vaut mieux que le désarmement complet et que l’inaction absolue. Dans le plein abandon des garanties parlementaires, qui dura chez nous de Louis XIII à Louis XVI, et dans la terrible explosion qui, favorisée par l’inexpérience, se fit à Versailles à l’époque où s’y réunirent nos premiers constituants, n’y a-t-il pas de quoi démontrer aux plus incrédules qu’il est bien permis de chercher l’idéal du gouvernement et aussi des garanties de tranquillité ailleurs que dans l’autocratie et dans le silence universel? ‘

Comme touteréaction, lemouvementde1 789 dépassale but sans l’atteindre; il nous jeta dans les saturnales de 1795, qui elles-mêmes, par une pente naturelle, nous conduisirent à la dictature militaire. Depuis lors, nous oscillons du pôle de l’excessive licence à celui d’un despotisme tantôt sournois, tantôt effronté. Ou plutôt — car c’est bien de ces deux extrêmes qu'on peut dire qu'ils se touchent — nous piétinons sans profit sur une piste sans issue; nous ne parvenons point à nous reposer longtemps sous ces heureux abris où l'exemple d’autres peuples prouve cependant que, dans le monde moderne, l'ordre et la liberté sont faits pour habiter ensemble.

On serait injuste envers la royauté, si l’on attribuait à elle seule l’échec des institutions libres en France. Dans une conclusion remarquable qu'on ne saurait analyser, et qu’il faudrait pouvoir reproduire tout entière, M. Picot nous fait bien voir quelle fut, dans cet échec, la part de responsabilité qui revient à chacun des trois ordres : il résume admirablement leurs torts. Sur ce qui regarde particulièrement ce qui alors s’appelait la noblesse, ce que depuis on a